Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 201 —

trois lignes ; et en arrière il mit ses nouvelles levées de la Gaule Cisalpine, ainsi que ses auxiliaires, de manière à couvrir de soldats toute l’éminence. Le proconsul voulait faire sentir à son armée la nécessité de vaincre ; il renvoya son cheval, en disant qu’il n’en aurait besoin qu’après la victoire, et quand on poursuivrait l’ennemi. Les officiers le comprirent et imitèrent son exemple.

Formés en phalange, les Helvètes repoussent la cavalerie, et viennent se présenter dans l’ordre le plus serré. Mais si la bravoure paraissait égale de part et d’autre, les armes ne l’étaient pas. Le pilum du légionnaire tombant de haut en bas perçait à la fois plusieurs boucliers et les clouait ensemble ; de sorte que les Gaulois ne pouvant plus agir librement avec le bras gauche préféraient jeter bas leurs armes défensives et combattre à corps découvert. Les premiers rangs furent bientôt dégarnis, et la horde helvétienne se retira vers une montagne à un quart de lieue du champ de bataille.

César la suit avec son armée. Il montait la hauteur en même temps que les Helvètes, lorsqu’un corps de quinze mille hommes, qui observait le peu de précautions des Romains pendant cette marche, vint les prendre en flanc et en queue. Les vainqueurs se trouvent alors enveloppés[1].

Cette manœuvre pouvait être décisive ; car les Helvètes qui avaient gagné la hauteur reviennent aussitôt, et attaquent leur ennemi avec tout l’avantage du lieu et du nombre. La bonne contenance des légionnaires, et surtout leur discipline les tira de ce danger.

Les Helvètes, rompus une seconde fois, se retirèrent, les uns sur la montagne où ils s’étaient d’abord repliés, les autres auprès de leurs chariots et de leurs bagages. La nuit s’avançait alors, bientôt ils profitent de l’obscurité pour se mettre en marche, et, sans prendre de repos, arrivent le quatrième jour sur le territoire de Langres, chez un peuple que l’on nommait alors les Lingons. César dit n’avoir pu suivre son ennemi pendant trois jours, voulant soigner ses blessés et donner aux morts la sépulture.

Quelques jours après, les Helvètes, regardant leur situation comme désespérée, députent à César, livrent leurs armes, et donnent des otages. Ils remettent même de malheureux esclaves qui s’étaient flattés de redevenir libres en se joignant à eux. Six mille Helvètes, au milieu du désordre qui accompagne de tels événements, crurent se dérober au vainqueur par la fuite, et gagnèrent les bords du Rhin. César les fait ramener par les habitans mêmes du pays où ils avaient cherché un asile.

Il força cette multitude à retourner dans le pays qu’elle avait abandonné, à rebâtir ses villages. Il ne voulait pas, disait-il, que cette contrée restât déserte, de crainte que les Germains n’y fussent attirés par la bonté du sol ; ce qui les eût rendus trop voisins de la Province romaine.

Ainsi l’on pensait alors que la Germanie était un plus mauvais pays que l’Helvétie ; et l’on regardait les Germains comme plus formidables que les Helvètes.

La Gaule se trouvait si peu surchargée d’habitant que les Ædues prièrent César de leur donner les Boïes venus avec les Helvètes, et dont la bravoure était estimée. César leur en fit présent. Les Ædues les établirent sur la frontière, leur donnèrent des terres à défricher. On attribue à ces Boïes la fondation de la Gergovie (Moulins).

  1. Voyez l’Atlas.