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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/240

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près de Térouanne ; et chez les Essues dans l’Armorique.

César paraît s’être trompé quand il dit qu’excepté la légion commandée par Roscius dans l’Armorique où tout semblait tranquille, le cantonnement de ses troupes se trouvait renfermé dans une étendue d’environ trente-cinq lieues.

Depuis l’endroit où Térouanne était située, jusqu’à Liége ; de Liége à Reims ; et de Reims à Térouanne, on trouve près de cinquante lieues sur chaque côté du triangle. Mais quand cette étendue de terrain, occupée par les légions, se présenterait telle que le dit César, la distance devenait trop considérable pour qu’elles pussent se porter un assez prompt secours.

Il ne pouvait l’ignorer : Ambiorix et Cativulke, qui partageaient le souverain commandement chez les Éburons, n’attendaient qu’une occasion de faire éclater la révolte. Le proconsul aurait dû mettre un renfort à portée de secourir les troupes qu’il envoyait chez ce peuple ; il les croyait si bien en danger, qu’il joignit à la légion commandée par Titurius Sabinus cinq cohortes sous les ordres de L. Arunculeius Cotta.

Les Éburons voyant ces postes dispersés résolurent de réunir une armée considérable, et supposèrent qu’avec un peu de vigueur et de diligence ils parviendraient à les emporter. Ambiorix, surtout bien plus jeune que son collègue, brûlait de mettre ce plan de campagne à exécution, en attaquant de suite le camp de Titurius ; car chaque légion, suivant l’usage constant des Romains, hivernait dans un camp retranché.

Les pertes éprouvées par les Gaulois à cette tentative ôtant tout espoir de réussir, Ambiorix imagine un autre expédient. Il montre beaucoup d’égards pour les troupes romaines, et demande qu’on lui fournisse l’occasion de communiquer une affaire de la plus haute importance à leur général.

On a formé, dit-il, le dessein de détruire ce corps d’armée, et une horde nombreuse de Germains vient de passer le fleuve pour contribuer au massacre. Ambiorix ajoute que, malgré toutes ses remontrances, il a été obligé de céder ; mais qu’il éprouve en secret de l’affection pour Rome, et engage Sabinus à se bien tenir sur ses gardes, ou plutôt à se rapprocher de la légion la plus voisine, avant l’arrivée des Germains, et pendant qu’il conserve encore assez de crédit sur ses compatriotes pour les empêcher d’inquiéter cette marche.

À peine ces étranges paroles sont rapportées à Sabinus, qu’il assemble un conseil de guerre, et se résout, malgré l’avis de Cotta et les représentations d’un grand nombre d’officiers, à évacuer son poste pour se rendre aux quartiers de Quintus Cicero, éloigné de cinquante milles.

On ne conçoit pas que Titurius, qui depuis long-temps faisait la guerre, se soit laissé prendre aux paroles d’un ennemi battu, qui, sans déposer les armes, vient se justifier de sa conduite. Le camp romain, bien couvert, pouvait offrir une longue résistance ; les vivres n’y manquaient pas ; il devenait trop évident qu’Ambiorix voulait tenter par surprise ce qu’il n’avait pu exécuter à forces ouvertes.

Titurius Sabinus sortit de ses retranchemens sur une seule colonne (longissimo agmine) ; disposition vicieuse dans une telle circonstance, et embarrassée d’ailleurs par un nombre prodigieux de bagages. Mais ce général était si aveuglé, que loin de songer à prendre un ordre de marche qui pût le garantir d’une surprise, il n’eut même pas l’instinct de faire observer son ennemi.