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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/277

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qui pouvaient armer cinquante mille hommes, ne donnent encore que quatre millions trois cent mille habitans.

Flavius Josèphe et Appien, plus éloignés de la Gaule, n’écrivirent que deux cents ans après la conquête, lorsque le nombre des villes et celui des habitans de la campagne s’étaient déjà beaucoup multipliés. Le premier prétend que les Gaules contenaient trois cent quinze nations et près de douze cents villes ; elles auraient eu quatre cents peuples et huit cents villes, suivant le second.

Ces mots vagues de peuples et de villes n’indiquent rien de positif pour la population. Il n’est même pas certain que ces auteurs ne comprissent, sous la dénomination de Gaule, cette grande partie de l’Italie qu’on appelait alors la Cisalpine. Mais, en supposant toujours que chacune de ces douze cents villes prétendues, citées par Josèphe, eussent été peuplées de deux mille âmes, on ne trouverait encore que deux millions quatre cent mille habitans dans les villes.

Ce calcul devient même exagéré. Lutèce n’était pas une des moindres cités de la Gaule ; et cependant, elle ne pouvait contenir alors deux mille individus. On ne doit pas juger son étendue par la superficie que le terrain présente aujourd’hui, puisqu’on a réuni plusieurs petites îles ; d’ailleurs les habitations n’avaient point d’étages, et ne se trouvaient pas contiguës.

Ainsi, quoiqu’il devienne certain que ces douze cents villes n’étaient que des villages, il faudrait encore supposer à peu près autant de gens dispersés dans les campagnes, pour atteindre au nombre d’habitans qu’indique l’évaluation des divers écrivains comparée à celle de Jules César.

Un homme beaucoup plus instruit, à cet égard, que Plutarque, Diodore, et que César même ; un homme longtemps chargé de l’administration de la Gaule, qui en avait entrepris le cadastre, et connaissait tous les dénombremens faits par les Romains depuis Auguste jusqu’à lui ; Julien, d’abord gouverneur du pays, et ensuite empereur, Julien le Sage dit formellement que Jules César prit dans les Gaules trois cents villes, et non huit cents ; qu’il vainquit deux millions d’hommes, et non pas qu’il les tua. Le calcul de Julien ne contredit pas les Commentaires ; il confirme, au contraire, l’exactitude des faits qu’on y trouve.

Il paraît que l’usage était alors de donner des armes à tous ceux qui étaient en état de les porter, de faire un grand effort, de livrer la bataille, et de renvoyer les troupes immédiatement après, soit qu’elles eussent vaincu, soit qu’elles fussent défaites.

En comparant les deux listes de César, en séparant de l’une les peuples qu’on retrouve dans l’autre, on voit que la Gaule mit cinq cent mille hommes sous les armes. Si l’on prend ce nombre pour le quart de la population, on trouvera que la Celtique et la Belgique pouvaient compter deux millions d’habitans. Il n’est pas vraisemblable qu’elles en eussent davantage.

La Gaule Narbonnaise se présente comme bien plus peuplée que la Celtique et la Belgique ; l’Aquitaine, au rapport de Strabon, contemporain d’Auguste, était presque entièrement déserte. On ne se tromperait donc pas beaucoup si l’on évaluait à cinq ou six millions le nombre des habitans contenus dans les quatre Gaules situées entre la Méditerranée, le Rhin, l’Océan et les Alpes. Nous parlons toujours ici de l’époque où César fut envoyé dans les Gaules en qualité de proconsul.