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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/309

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César ne pouvait lui opposer que quarante-trois mille hommes, dont mille cavaliers et vingt-deux mille soldats romains. Il avait un autre désavantage : le champ de bataille où allaient combattre les deux armées offrait une plaine rase très-favorable à la nombreuse cavalerie de Pompée ; mais telle était l’ardeur des troupes de César, qu’elles le conjurèrent de donner sans délai le signal de la vengeance.

Il divisa immédiatement son armée en trois parties, donna le commandement du centre à Cn. Domitius, celui de l’aile gauche à Antoine, et la droite à P. Sylla ; et comme sa gauche était appuyée à la rivière, il porta sur sa droite toute sa cavalerie, qui ne consistait qu’en mille chevaux, Deux cohortes restèrent à la garde de son camp. L’infanterie de l’une et l’autre armée était rangée sur trois lignes, les cohortes de Pompée sur dix de hauteur, celles de César sur huit, à cause de leur faiblesse.

César, n’ayant que quatre-vingts cohortes (incomplètes) de soldats romains, dut en placer au moins quarante à la première ligne, vingt-quatre à la seconde, et seize à la troisième. Chaque ligne était formée d’une partie des légions, c’est-à-dire que chaque légion entrait dans les trois lignes ; la dernière n’était qu’une réserve, et se diminuait selon le besoin que le général pouvait avoir de troupes, pour les employer ailleurs.

Entre deux armées égales, et rangées selon la méthode ordinaire, la valeur des troupes et souvent le hasard décident du succès ; mais quand on prend la résolution de combattre un nombre supérieur, c’est que l’on compte sur les ressources de l’art. Il consiste surtout, nous l’avons dit, à faire agir un plus grand nombre contre un moindre, ou à porter le fort d’une troupe contre quelque partie faible de la troupe ennemie, avant qu’elle ait pu juger de ce dessein. Le point principal est donc de dérober ses dispositions, de sorte que votre adversaire ne puisse les apercevoir qu’au moment où il n’est plus en son pouvoir de s’en garantir. Voilà ce que César sut exécuter glorieusement dans cette journée mémorable.

Après avoir reconnu l’ordre de bataille de Pompée, César, jugeant que son aile droite ne pouvait éviter d’être tournée, imagina sur-le-champ de tirer six cohortes de sa troisième ligne pour les opposer à la cavalerie ennemie, et suppléer à la faiblesse de la sienne. Il instruisit ces cohortes de ce qu’elles devaient faire, et leur montra que d’elles seules dépendait la victoire. Elles se placèrent derrière son aile droite, de manière à n’être point aperçues et demeurèrent dans ce poste jusqu’au moment du signal. Cette manœuvre s’exécuta promptement, ce qui prouve que les armées étaient déjà proches.

Les deux premières lignes s’étant ébranlées pour charger, la cavalerie ne fit aucune résistance. César n’avait pas compté qu’elle pût soutenir de front le choc de celle de Pompée ; ainsi, lorsque celle-ci vint fondre sur elle avec tous ses archers et ses frondeurs, elle ne l’attendit pas, céda du terrain, et vint se reformer à la droite des six cohortes, qui pendant ce temps avaient pris une position oblique, faisant front sur le flanc.

Dans cette situation, non-seulement les six cohortes arrêtèrent la cavalerie, qui se croyait déjà victorieuse, et qui étendait ses turmes pour envelopper l’infanterie, mais elles allèrent au-devant de l’ennemi, et le chargèrent avec vigueur. Les cavaliers plièrent et prirent honteusement la fuite ; leurs