Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
— 307 —

de l’Asie, si célèbres autrefois sous les noms de Phéniciens et d’Assyriens ; ceux d’Afrique, Carthaginois ou Numides ; les Grecs, les Syracusains, les petites et turbulentes nations des Espagnes et des Gaules ; tous ces états jadis étrangers l’un à l’autre et si longtemps ennemis, ne formaient plus qu’un seul empire, et, dans leur union, ils étaient plutôt contenus par la grandeur imposante du nom romain, qu’enchaînés par une force militaire formidable.

Environ quatre cent mille soldats, composés moitié des légions et moitié des troupes auxiliaires fournies par les peuples vaincus, étaient placés sur les frontières dans des camps différens, en Europe, en Asie, en Afrique, et suffisaient pour défendre l’entrée de l’empire.

Deux armées navales, l’une à Ravène, sur le golfe Adriatique, l’autre à Misène, dans la mer de Toscane, assuraient la tranquillité de la Méditerranée, bassin superbe qui, situé au centre de ce vaste empire, rendait la communication facile et prompte entre toutes ses provinces.

Il est impossible de calculer les revenus de Rome ; il nous est parvenu trop peu de lumières sur l’état, de ses finances ; mais, en supputant ce que nous en connaissons, il est aisé d’entrevoir que les tributs de l’empire entier n’égalaient pas à beaucoup près les impositions que la France a supportées sous le règne de Louis XIV, ou celles que l’Angleterre paya sous le règne de Georges III.

Ce n’était point disette de métaux, l’or et l’argent n’étaient pas rares. Le luxe devenait très-grand ; les villes de l’Italie, de la Grèce, de l’Égypte, de l’Asie Mineure, des côtes de l’Afrique, ne le cédaient point en magnificence aux plus belles villes dont la France se vante aujourd’hui, et l’emportaient infiniment sur les capitales de tous les royaumes du Nord. On peut donc assurer que jamais un aussi grand empire, une aussi vaste multitude d’hommes ne fut gouvernée avec moins de forces et à si peu de frais. Josèphe nous dit qu’il n’y avait que douze cents soldats en garnison pour contenir les Gaules.

Depuis la conquête de la Macédoine par Paul Émile, les citoyens de Rome étaient exempts de toute espèce d’imposition ; ils possédaient d’immenses richesses, commandaient au monde, et ne donnaient absolument rien pour jouir de tant d’honneurs. Cette exemption, unique dans l’histoire, subsista pendant cinquante années, jusqu’à ce qu’Auguste eût fait sentir au sénat qu’il serait odieux d’épuiser les provinces pour subvenir au luxe des Romains.

Jamais la terre ne fut plus heureuse peut-être que sous l’administration sage et modérée d’Auguste. Le sénat nommait au gouvernement des provinces consulaires ou proconsulaires, et le peuple au gouvernement des provinces prétoriennes. Auguste ne s’était réservé que les provinces frontières, celles où les légions résidaient.

Chef des troupes, il était le maître de l’état, et ne paraissait pas envahir l’autorité du sénat et du peuple ; partout il semblait qu’on n’obéit qu’à la loi, au magistrat civil, et non point à la force.

Malgré la douceur politique de son gouvernement, Auguste fut très-sévère dans le maintien de la discipline. On doit, suivant Suétone, adresser le même éloge à Tibère, qui remit en usage les anciennes punitions. Ce même écrivain reproche à César de n’avoir égard dans le soldat, ni aux mœurs ni

20.