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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/340

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ces viols, afin de punir les unes de l’orgueil qu’elles ressentaient d’être vierges ; les autres, de peur que, dans la suite, elles ne tirassent vanité d’avoir échappé à l’outrage.

À quelle dégradation l’espèce humaine était-elle donc parvenue, puisque de pareilles calamités produisaient de si misérables discussions ! Quand Rome tomba au pouvoir des Gaulois, les Romains n’examinèrent pas si la vestale violée était encore vierge ; ils reprirent les armes, et chassèrent les vainqueurs. Mais le siècle de saint Augustin ne devait pas produire un Camille.

Orose, Socrate, Sozomène, s’efforçaient comme saint Augustin, de prouver que la piété des empereurs Théodose et Honorius était le rempart le plus sûr pour défendre l’état. Insensés, qui ne voyaient point que l’événement démentait leurs principes ! Ces écrits, en affaiblissant les cœurs et les détournant de l’amour de la patrie, ne confirmaient que trop toutes les allégations de faiblesse, de fanatisme, de négligence et de dédain pour le salut public, que les Hellénistes avançaient contre les chrétiens.

On peut s’arrêter au règne de Justinien Ier, comme l’un des plus propres à faire une époque d’où l’on puisse considérer le déclin de l’art de guerre et celui de la discipline. On n’avait plus alors de méthode fixe, ni dans la manière de s’armer, ni pour l’ordonnance. Les généraux que l’on chargeait d’une guerre créaient ordinairement leur armée, et chacun formait ses troupes selon son degré d’intelligence.

Pressés qu’ils étaient par la nombreuse et formidable cavalerie des Barbares, on voit les Romains s’attacher de préférence à la tactique des Grecs, qui ramenait l’ordre serré et profond. Il s’en fallait cependant beaucoup qu’on y mît l’art et la justesse qui régnaient dans la composition de la phalange ; il paraît seulement que les meilleurs capitaines, tels que Bélisaire et Narsès, érigèrent en principe d’avoir de l’infanterie pesamment armée et des troupes légères. Ces généraux se ménageaient aussi des corps de réserve pour appuyer la ligne et la protéger.

Bélisaire, avec des armées faibles et de la composition la plus vicieuse, sut trouver encore assez de ressources dans la science pour battre les Goths, reprendre Rome, et détruire la domination des Vandales en Afrique.

L’histoire de Narsès n’est pas moins mémorable, et suffirait seule pour prouver que le génie, conduit par l’étude, peut former un général. Cet eunuque, possédant toute la faveur du prince, se fit donner la commission de conduire en Italie un secours à Bélisaire, et l’on peut supposer ce que devait produire le concours de ces deux grands hommes, si l’on n’était pas parvenu à semer la discorde entre eux.

La bataille de Casilinum, livrée aux Francs par Narsès, fut formée sur les mêmes principes que celle d’Annibal à Cannes. Narsès avait dans son armée un petit corps d’Hérules, qui se mutina pour venger la punition d’un de ses officiers. On était en pleine marche pour aller à l’ennemi : Narsès laissa les rebelles derrière.

Syndval, un de leurs chefs, craignant que cette retraite ne fût imputée à sa nation comme une lâcheté, courut dire que ses Hérules viendraient. Narsès faisait ses dispositions pour l’ordre de bataille ; il laissa un vide au centre pour les recevoir, et couvrit ce vide avec quelques troupes qui avaient ordre de céder le terrain.