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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/353

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PRÉFACE DE L’AUTEUR.


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Si les historiens qui ont paru avant nous avaient omis de faire l’éloge de l’histoire, il serait peut-être nécessaire de commencer par là pour exciter tous les hommes à s’y appliquer ; car quoi de plus propre à notre instruction que la connaissance des choses passées ? Mais la plupart d’entre eux ont le soin de nous dire et de nous répéter presque à chaque page que, pour apprendre à gouverner, il n’y a pas de meilleure école, et que rien ne nous fortifie plus efficacement contre les vicissitudes de la fortune, que le souvenir des malheurs ou les autres sont tombés. On me blâmerait de revenir sur une matière que tant d’autres ont si bien traitée. Cela me conviendrait d’autant moins, que la nouveauté des faits que je me propose de raconter sera plus que suffisante pour attirer tous les hommes, sans distinction, à la lecture de mon ouvrage. Il n’y en aura point de si stupide et de si grossier, qui ne soit bien aise de savoir par quels moyens et par quelle sorte de gouvernement il a pu se faire que les Romains, en moins de cinquante-trois ans, soient devenus maîtres de presque toute la terre. Cet événement est sans exemple. D’un autre côté, quelle est la passion si forte pour les spectacles, ou pour quelque sorte de science que ce soit, qui ne cède à celle de s’instruire de choses si curieuses et si intéressantes.

Pour faire voir combien mon projet est grand et nouveau, jugeons de la république romaine par les états les plus célèbres qui l’ont précédée, dont les histoires sont venues jusqu’à nous, et qui sont dignes de lui être comparées. Les Perses se sont vus pendant quelque temps un empire assez étendu ; mais ils n’ont jamais entrepris d’en reculer les bornes au delà de l’Asie, qu’ils n’aient couru risque d’en être dépouillés. Les Lacédémoniens eurent de longues guerres à soutenir pour avoir l’autorité souveraine sur la Grèce ; mais à peine en furent-ils, pendant douze ans, paisibles possesseurs. Le royaume des Macédoniens ne s’étendait que depuis les lieux voisins de la mer Adriatique jusqu’au Danube, c’est-à-dire sur une très-petite partie de l’Europe, et quoiqu’après avoir détruit l’empire des Perses ils aient réduit l’Asie sous leur obéissance, cependant, malgré la réputation qu’ils avaient d’être le plus puissant et le plus riche peuple du monde, une grande partie de la terre est échappée à leurs conquêtes. Jamais ils ne firent de projet sur la Sardaigne, ni sur la Sicile, ni sur l’Afrique, et les nations belliqueuses qui sont au couchant de l’Europe, leur étaient inconnues. Mais, les Romains ne se bornèrent pas à quelques parties du monde, presque toute la terre fut soumise à leur domination, et leur puissance est venue au point que nous admirons aujourd’hui, et au delà duquel il ne paraît pas qu’aucun peuple puisse jamais aller. C’est ce que l’on verra clairement par le récit que j’entreprends de faire, et qui mettra en évidence les avantages que les curieux peuvent tirer d’une exacte et fidèle histoire.

Celle-ci commencera, par rapport au