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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/378

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POLYBE, LIV. I.

mée romaine dans les dernières batailles rangées, et instruit qu’un des consuls était retourné en Italie avec la moitié des troupes, et que Cécilius, avec l’autre moitié, séjournait à Palerme, Asdrubal, dis-je, pour couvrir et favoriser les moissons des alliés, partit de Lilybée et se porta sur les confins de la campagne de Palerme. Cécilius, qui vit son assurance, retint, pour l’irriter de plus en plus, ses soldats au-dedans des portes. Asdrubal, fier de ce que le consul n’osait venir à sa rencontre, à ce qu’il croyait, s’avance avec toute son armée, et, franchissant les détroits, entre dans le pays. Il ravage les moissons jusqu’aux portes, sans que le consul s’ébranle. Mais quand il eut passé la rivière qui coule devant la ville, Cécilius, qui n’attendait que ce moment, détacha des soldats armés à la légère, pour le harceler et le contraindre de se mettre en bataille. Il s’y mit, et aussitôt le général romain range devant le mur et devant le fossé quelques archers, avec ordre, si les éléphans approchaient, de lancer sur eux une grêle de traits ; en cas qu’ils fussent pressés, de se sauver dans le fossé, et d’en sortir ensuite pour lancer de nouveaux traits sur les éléphans. Il ordonne en même temps aux mineurs de la place, de leur porter des traits, et de se tenir en bon ordre au pied du mur, en dehors. Lui, se tient avec un corps de troupes à la porte opposée, à l’aile gauche des ennemis, et envoie toujours de nouveaux secours à ses archers. Quand le choc se fut un peu plus échauffé, les conducteurs des éléphans, jaloux de la gloire d’Asdrubal, et voulant par eux-mêmes avoir l’honneur du succès, s’avancèrent contre ceux qui combattaient les premiers, les renversèrent et les poursuivirent jusqu’au fossé. Les éléphans approchent ; mais blessés par ceux qui tiraient des murailles, percés des javelots et des lances que jetaient sur eux, à coup sûr et en grand nombre ceux qui bordaient le fossé, couverts de traits et de blessures, ils entrent en fureur, se tournent et fondent sur les Carthaginois, foulent aux pieds les soldats, confondent les rangs et les dissipent. Pendant ce désordre, Cécilius, avec des troupes fraîches et rangées, tombe en flanc sur l’aile gauche des ennemis troublés, et les met en déroute. Un grand nombre resta sur la place ; les autres échappèrent par une fuite précipitée. Il prit dix éléphans avec les Indiens qui les conduisaient. Le reste, qui avait jeté bas ses conducteurs, enveloppé après le combat, tomba aussi en la puissance du consul. Après cet exploit, il passa pour constant que c’était à Cécilius que l’on était redevable du courage qu’avaient repris les troupes et du pays que l’on avait conquis.




CHAPITRE X.


Les Romains lèvent une nouvelle armée navale, et concertent le siége de Lilybée. — Situation de la Sicile. — Siége de Lilybée. — Trahison en faveur des Romains découverte. — Secours conduit par Annibal. — Combat sanglant aux machines.


Cette nouvelle, portée à Rome, y fit beaucoup de plaisir, moins parce que la défaite des éléphans avait beaucoup affaibli les ennemis, que parce que cette défaite avait fait revenir la confiance aux soldats. On reprit donc le premier dessein, d’envoyer des consuls avec une armée navale, et de mettre fin à cette guerre, s’il était possible. Tout étant disposé, les consuls partent avec deux cents vaisseaux, et prennent la route de Sicile. C’était la quatorzième année de cette guerre. Ils arrivent à Lilybée, joignent à leurs troupes