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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/405

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POLYBE, LIV. I.

bre de dix, et renverraient tous les autres, chacun avec son habit. » Ensuite il dit, qu’en vertu du traité, il choisissait tous ceux qui étaient présens, et mit ainsi en la puissance des Carthaginois Autarite, Spendius et les autres chefs les plus distingués.

Les Africains, qui ne savaient rien des conditions du traité, ayant appris que leurs chefs étaient retenus, soupçonnèrent de la mauvaise foi, et, dans cette pensée, coururent aux armes. Ils étaient alors dans un lieu qu’on appelle la Hache, parce que, par sa figure, il ressemble assez à cet instrument : Amilcar les y enveloppa tellement de ses éléphans et de toute l’armée, qu’il ne s’en sauva pas un seul, et ils étaient plus de quarante mille. C’est ainsi qu’il releva une seconde fois les espérances des Carthaginois, qui désespéraient déjà de leur salut. Ils battirent ensuite la campagne, lui, Naravase et Annibal, et les Africains se rendirent d’eux-mêmes.

Maîtres de la plupart des villes, ils vinrent à Tunis assiéger Mathos. Annibal prit son quartier au côté de la ville qui regardait Carthage, et Amilcar le sien au côté opposé. Ensuite, ayant conduit Spendius et les autres prisonniers auprès des murailles, ils les firent attacher à des croix, à la vue de toute la ville. Tant d’heureux succès endormirent la vigilance d’Annibal, et lui firent négliger la garde de son camp. Mathos ne s’en fut pas plus tôt aperçu, qu’il tomba sur les retranchemens, tua grand nombre de Carthaginois, chassa du camp toute l’armée, s’empara de tous les bagages, et fit Annibal lui-même prisonnier. On mena aussitôt ce général à la croix Spendius était attaché. Là, on lui fit souffrir les supplices les plus cruels, et, après avoir détaché Spendius, on le mit à sa place, et on égorgea autour du corps de Spendius trente des principaux Carthaginois, comme si la fortune n’eût suscité cette guerre que pour fournir tour à tour aux deux armées des occasions éclatantes de se venger l’une de l’autre. Amilcar, à cause de la distance qui était entre les deux camps, n’apprit que tard la sortie que Mathos avait faite, et, après en avoir été informé, il ne courut pas pour cela au secours : les chemins étaient trop difficiles ; mais il leva le camp, et, côtoyant le Macar, il alla se poster à l’embouchure de ce fleuve.

Nouvelle consternation chez les Carthaginois, nouveau désespoir. Ils commençaient à reprendre courage, et les voilà retombés dans les mêmes embarras, qui n’empêchèrent cependant pas qu’ils ne travaillassent à s’en tirer. Pour faire un dernier effort, ils envoyèrent à Amilcar trente sénateurs, le général Hannon, qui avait déjà commandé dans cette guerre, et tout ce qui leur restait d’hommes en âge de porter les armes, en recommandant aux sénateurs d’essayer tous les moyens de réconcilier ensemble les deux généraux, de les obliger à agir de concert, et de n’avoir devant les yeux que la situation où se trouvait la république. Après bien des conférences enfin, ils vinrent à bout de réunir ces deux capitaines, qui, dans la suite, n’agissant que dans un même esprit, firent tout réussir à souhait. Ils engagèrent Mathos dans quantité de petits combats, tantôt en lui dressant des embuscades, tantôt en le poursuivant, soit autour de Lepta, soit autour d’autres villes. Ce chef, se voyant ainsi harcelé, prit enfin la résolution d’en venir à un combat général. Les Carthaginois, de leur côté, ne souhaitaient rien avec plus d’ardeur, les deux partis appelèrent à cette bataille tous leurs alliés, et rassemblèrent des places toutes leurs