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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/41

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sica et M. Popilius étant censeurs, ils virent en faisant la revue un cheval maigre et mal tenu, dont le maître paraissait tout brillant d’embonpoint. — Pourquoi, lui dirent-ils, es-tu en meilleur état que ton cheval ? — C’est, répondit le cavalier, que mon valet panse mon cheval, et que je me soigne moi-même. Cette plaisanterie fut mal reçue ; les censeurs lui ôtèrent son cheval. C’était une note infamante qui rendait incapable de servir désormais dans la cavalerie.

Cet examen continua d’être en usage alors même que les equites, devenus plus considérables, formèrent un ordre à part, et que le cheval public ne fut plus une marque de service, mais une distinction honorable. L’anneau d’or, qui caractérisait le chevalier romain, était depuis long-temps affecté aux equites. Il fallait qu’ils fussent déjà devenus bien communs dans la seconde guerre punique, autrement Annibal n’aurait pas envoyé à Carthage les trois boisseaux d’anneaux dont parle l’histoire.

Ces anneaux, il est vrai, n’appartenaient pas seulement aux cavaliers morts à la bataille de Cannes, comme on le croit d’ordinaire ; c’était la dépouille de tous ceux qui avaient péri depuis l’entrée d’Annibal en Italie. Au moins peut-on l’inférer du discours que Tite-Live met dans la bouche de Magon. Son frère, dit-il, a battu six armées consulaires ; il a tué aux Romains plus de deux cent mille hommes, et il en tient prisonniers plus de cinquante mille. C’est seulement après l’exposé sommaire de tous ces exploits que, pour confirmer la vérité, il ordonne de répandre les anneaux.

Suivant la proportion observée alors entre les troupes de cavalerie et d’infanterie, tant des Romains que de leurs alliés, sur les deux cent cinquante mille hommes cités par Magon, comme tués ou pris en diverses batailles, il devait y avoir à-peu-près huit à neuf mille cavaliers romains. C’est plus qu’il n’en faut pour remplir les trois boisseaux, surtout si l’on considère la grosseur des anneaux antiques.

Tant que les equites firent la cavalerie légionnaire, chaque légion contenait dix pelotons de cavaliers nommés turmes. Ce nom se conserva, mais dans un autre sens, lorsqu’ils se furent détachés des légions. Tout le corps des chevaliers se divisa en six turmes distinguées par les noms de prima, secunda, etc. ; et chacune avait son commandant qu’on appelait sevir equitum romanorum. Le général de cette cavalerie, celui qui commandait à tous les sevirs, portait le nom de princeps juventutis ; et depuis que les chevaliers, pour flatter Auguste, eurent donné ce titre à Caïus et à Lucius, c’était le gage de l’empire.

La dignité de sevir n’était qu’une distinction de pompe et de cérémonie ; car il est probable que les chevaliers ne se trouvaient réunis que dans les deux revues qu’on nommait transvectio et equitium probatio, c’est-à-dire, qu’après avoir reçu de l’empereur le cheval public, la prise de possession de la dignité de chevalier consistait à paraître la première fois dans la transvection en habit d’ordonnance, afin de prendre place dans la turme où l’on était enrôlé.

Il est difficile de préciser l’époque à laquelle les chevaliers cessèrent d’entrer dans la cavalerie légionnaire. Ce changement d’ailleurs ne se fit pas tout-à-coup. La loi de Gracchus les éleva au-dessus du peuple, et dès-lors plusieurs trouvèrent peu convenable de quitter les tribunaux pour monter à cheval en qualité de simple cavalier. Quinze ans après, Marius ayant fait entrer dans les légions la sixième classe jusqu’alors rébutée, les

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