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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/431

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POLYBE, LIV. II.

firent mourir leur tyran. Les Caryniens se joignirent aussi en même temps. Iscas, leur tyran, voyant la garnison chassée d’Égium, le roi des Bouriens massacré par Marcus et les Achéens, et qu’on allait fondre bientôt sur lui de tous côtés, se démit du gouvernement, après avoir reçu des Achéens des assurances pour sa vie, et laissa cette ville se joindre aux autres.

On me demandera peut‑être pourquoi je remonte si haut : c’est pour faire connaître comment en quel temps s’est établi, pour la seconde fois, le gouvernement dont usent aujourd’hui les Achéens, et quels sont les hommes qui, les premiers, ont travaillé à ce rétablissement ; c’est, en second lieu, afin de justifier par l’histoire même de cette nation ce que nous avons avancé de l’esprit de son gouvernement, savoir, qu’il consiste uniquement à s’attirer les peuples par l’égalité dont on jouit dans cette république, et à ne jamais quitter les armes contre ceux qui, par eux‑mêmes ou par des rois, veulent les réduire en servitude. C’est par cette maxime qu’ils sont parvenus au point où nous les voyons, agissant tantôt par eux‑mêmes et tantôt par leurs alliés. Ce qu’ils ont fait par ceux‑ci dans la suite, pour l’établissement de leur république, doit encore se rapporter à l’esprit du gouvernement ; car, quoiqu’ils aient souvent partagé avec les Romains les plus belles entreprises, ils n’ont cependant jamais souhaité qu’il leur en revînt quelque avantage en particulier. L’unique récompense qu’ils se soient jamais proposée en aidant leurs alliés, a toujours été la liberté commune et l’union du Péloponnèse. C’est ce que l’on verra plus clairement par les faits.

Toutes les villes que nous avons nommées plus haut étaient restées sous une même forme de gouvernement pendant vingt ans, créant chaque année un secrétaire commun et deux préteurs. On jugea ensuite à propos de n’en créer qu’un, et de lui confier le soin des affaires. Le premier à qui cette charge échut, fut un Carynien nommé Marcus. Pendant la quatrième année de ce gouvernement, Aratus le Sicyonien, quoiqu’il n’eût encore que vingt ans, délivra par sa valeur et par son courage sa patrie du tyran qui l’opprimait, et, charmé dès le commencement de la forme de république des Achéens, il y établit les mêmes lois. Élu préteur pour la seconde fois, huit ans après, il surprit par adresse l’Acrocorinthe, où commandait Antigonus, et s’en rendit maître : par là il délivra d’une grande crainte tous les peuples du Péloponnèse, et mit en liberté tous les Corinthiens, qu’il joignit à la république des Achéens. Il fit la même chose pour les Mégariens, dans la ville desquels il était encore entré par surprise, un an avant cette défaite des Carthaginois qui leur fit perdre entièrement la Sicile, et où ils furent contraints de payer tribut aux Romains. Ayant fait en peu de temps de grands progrès, tout le reste du temps qu’Aratus fut à la tête de la république, il ne se proposa d’autre but dans tous ses desseins et dans toutes ses entreprises, que de chasser les Macédoniens du Péloponnèse, d’y abolir les monarchies, et d’assurer à ses compatriotes la liberté où il les avait établis, et dont leurs pères avaient joui. Tant qu’Antigonus Gonatas vécut, Aratus ne cessa de s’opposer à ses intrigues. Il ne s’opposa pas avec moins de fermeté et de constance à l’avidité et à l’ambition des Étoliens. Il avait besoin de toute sa vigilance contre la hardiesse et l’injustice de ces deux ennemis, car un com-