Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
447
POLYBE, LIV. III.

de ses sujets et de ses amis, et leur demander avec confiance tous les services qu’elles sont capables de rendre. Telles sont donc les causes de la guerre d’Annibal. En voici les commencemens.




CHAPITRE IV.


Annibal est nommé général des armées. — Ses conquêtes en Espagne. — Il se brouille avec les Romains sur un mauvais prétexte. — Prise de Sagonte par Annibal. — Victoire remportée par les Romains sur Demetrius.


Les Carthaginois étaient fort sensibles à la perte qu’ils avaient faite de la Sicile ; mais ils avaient encore plus de peine à supporter celle de la Sardaigne, et l’augmentation du tribut qu’on leur avait imposé. C’est pour cela qu’après qu’ils eurent soumis la plus grande partie de l’Espagne, tout ce qui leur était rapporté contre les Romains était toujours bien reçu. Lorsqu’ils eurent appris la mort d’Asdrubal, qu’ils avaient fait gouverneur d’Espagne après la mort d’Amilcar, d’abord ils attendirent, pour lui nommer un successeur, qu’ils sussent de quel côté pencheraient les troupes ; et dès que la nouvelle fut venue que d’un consentement unanime elles s’étaient choisi Annibal pour chef, aussitôt le peuple, s’étant assemblé, confirma l’élection, et l’on donna à Annibal le commandement des armées. Élevé à cette dignité, il pensa d’abord à soumettre les Olcades. Il vint camper à Althée, la principale ville de la nation, et en fit le siége avec tant de vigueur et d’impétuosité, qu’il en fut bientôt maître. Les autres villes épouvantées ouvrirent d’elles-mêmes leurs portes. Il les vendit ensuite à prix d’argent, et, s’étant ainsi amassé de grandes richesses, il vint prendre son quartier d’hiver à Carthagène. Généreux à l’égard de ceux qui servaient sous lui, payant libéralement les soldats, et leur promettant des récompenses, il se gagna les cœurs et donna de grandes espérances aux troupes. L’été venu, il ouvre la campagne par une expédition chez les Vacéens. Il prend d’emblée la ville de Salmantique. Arbucale, qui était grande, bien peuplée, et défendue par des habitans d’une grande valeur, lui résista long-temps ; mais enfin il l’emporta. Il courut un grand danger en revenant : les Carpésiens, nation la plus puissante du pays, avaient pris les armes, et les peuples voisins, soulevés par ceux des Olcades et des Salmantiquois qui s’étaient sauvés par la fuite, étaient accourus à leur secours. Si Annibal eût été obligé de les combattre en bataille rangée, sa défaite était immanquable ; mais il eut la prudence de se retirer au petit pas, de mettre le Tage devant lui, et de se réduire à disputer aux ennemis le passage de ce fleuve. Cette conduite lui réussit. Les Barbares s’efforcèrent de passer la rivière par plusieurs endroits ; mais la plupart, au débarquement, furent écrasés par les quarante éléphans qui marchaient le long des bords. Dans la rivière même il y en eut beaucoup qui périrent sous les pieds de la cavalerie, qui rompait plus aisément le cours de l’eau, et du haut de ses chevaux combattait avec avantage contre l’infanterie. Enfin Annibal passa lui-même le fleuve, et, fondant sur ces Barbares, il en tua plus de quarante mille sur le champ de bataille.

Ce carnage intimida tellement tous les peuples d’en deçà de l’Èbre, qu’il n’y resta personne, hors les Sagontins, qui osât faire mine de résister aux Carthaginois. Annibal se donna pourtant bien de garde d’attaquer Sagonte. Fi-