Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
468
POLYBE, LIV. III.

Annibal trouva dans cette île deux frères qui, armés l’un contre l’autre, se disputaient le royaume. L’aîné mit Annibal dans ses intérêts, et le pria de lui aider à se maintenir dans la possession où il était. Le Carthaginois n’hésita point ; il voyait trop combien cela lui serait avantageux. Il forma donc une alliance avec lui, et l’aida à chasser son frère. Il fut bien récompensé du secours qu’il avait donné au vainqueur. On fournit à son armée des vivres et des munitions en abondance. On renouvela ses armes, qui étaient vieilles et usées. La plupart de ses soldats furent vêtus, chaussés, et mis en état de franchir plus aisément les Alpes. Mais le plus grand service qu’il en tira, fut que ce roi forma avec ses troupes l’arrière-garde des Carthaginois, qui n’entraient qu’en tremblant sur les terres des Gaulois nommés Allobroges, et les protégea jusqu’à l’endroit d’où ils devaient pénétrer dans les Alpes.

Annibal, ayant marché pendant dix jours le long du fleuve, et ayant parcouru une distance de huit cents stades, commença la montée des Alpes : c’est alors qu’il fut exposé à de très-grands dangers. Tant qu’il fut dans le plat pays, les chefs des Allobroges ne l’inquiétèrent pas dans sa marche, soit qu’ils redoutassent la cavalerie carthaginoise, ou que les Barbares, dont elle était accompagnée, les tinssent en respect. Mais quand ceux-ci se furent retirés, et qu’Annibal commença à entrer dans les détroits des montagnes, alors les Allobroges coururent en grand nombre s’emparer des lieux qui commandaient ceux par où il fallait nécessairement que l’armée d’Annibal passât. C’en était fait de son armée, si leurs piéges eussent été plus couverts ; mais comme ils se cachaient mal ou point du tout, s’ils firent grand tort à Annibal, ils ne s’en firent pas moins à eux-mêmes.

Ce général, averti du stratagème des Barbares, campa au pied des montagnes et envoya quelques-uns de ses guides gaulois pour reconnaître la disposition des ennemis. Ils revinrent dire à Annibal que, pendant le jour, les ennemis gardaient exactement leurs postes, mais que pendant la nuit ils se retiraient dans une ville voisine. Aussitôt le Carthaginois dresse son plan sur ce rapport ; il fait en plein jour avancer son armée près des défilés, et campe assez proche des ennemis. La nuit venue, il donne ordre d’allumer des feux, laisse la plus grande partie de son ar-

    bien éloignée de ce degré d’exactitude qu’elle a atteint de nos jours. On ne pouvait pas connaître, par exemple, d’une manière précise les angles que fait le Rhône dans cette partie de son cours. Nous voyons que Polybe considérait sa direction générale comme étant du nord-est au sud-ouest ; car il dit que le Rhône prend sa source au-dessus du golfe Adriatique, un peu à l’ouest, et coule vers le couchant d’hiver, c’est-à-dire vers le sud-ouest, et se jette dans la mer de Sardaigne. C’est en effet la direction générale du Rhône, quand on le prend depuis ses sources dans le haut Valais jusqu’à son embouchure dans le golfe de Lyon. Mais si l’on ne considère son cours que jusqu’à Lyon, sa direction générale sera de l’est nord-est à l’ouest sud-ouest. Polybe dit que, depuis le passage du Rhône, Annibal conduisit son armée le long de ce fleuve, en se dirigeant vers l’est et laissant la mer derrière lui. Il considérait ici la direction générale du Rhône, qui, suivant lui, était du nord-est au sud-ouest. Mais nous savons maintenant que depuis Lyon jusqu’à la mer, la direction de ce fleuve est du nord au sud. Par conséquent Annibal, en remontant le long des rives du Rhône depuis le lieu où il avait passé ce fleuve, ne se dirigeait pas vers l’est, mais vers le nord. (Cette note est de M. Deluc, qui a traité la question du passage des Alpes avec tant de précision et de vérité, que sa dissertation ne laisse plus rien à désirer aux personnes qui prennent Polybe pour guide. Quant à ceux qui veulent concilier Polybe et Tite-Live, on doit craindre qu’aucune dissertation ne parvienne à les satisfaire complétement.)