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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/487

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POLYBE, LIV. III.

blius, qui craignait avec raison que ces peuples, déjà indisposés contre les Romains, n’en prissent occasion de se déclarer tous en faveur des Carthaginois. Pour aller au devant de cette conspiration, vers les trois heures après minuit, il leva le camp et s’avança vers la Trébie et les hauteurs qui en sont voisines, comptant que, dans un poste si avantageux et au milieu de ses alliés, on n’aurait pas l’audace de venir l’attaquer. Sur l’avis que le consul était décampé, Annibal envoya à sa poursuite la cavalerie numide, qu’il fit suivre peu après par l’autre cavalerie, qu’il suivait lui-même avec toute l’armée. Les Numides entrèrent dans le camp des Romains, et, le trouvant désert et abandonné, ils y mirent le feu. Ce fut un bonheur pour l’armée romaine : car si les Numides, sans perdre de temps, l’eussent poursuivie et eussent atteint les bagages, en plaine comme ils étaient, ils auraient fort incommodé les Romains ; mais, lorsqu’ils les joignirent, la plupart avaient déjà passé la Trébie. Il ne restait plus que l’arrière-garde, dont ils tuèrent une partie, et firent le reste prisonniers.

Publius passa la rivière, et mit son camp auprès des hauteurs ; il se fortifia d’un fossé et d’un retranchement, en attendant les troupes que Sempronius lui amenait. Il prit grand soin de sa blessure, afin de se tenir en état de combattre, si l’occasion s’en présentait. Cependant Annibal s’approche, et campe à quarante stades du consul ; là les Gaulois qui habitaient dans ces plaines, partageant avec les Carthaginois les mêmes espérances, leur apportèrent des vivres et munitions en abondance, prêts eux-mêmes à entrer pour leur part dans tous les travaux et tous les périls de cette guerre.

Quand on apprit à Rome l’action qui s’était passée entre la cavalerie, on y fut d’autant plus surpris, que l’on ne s’attendait pas à cette nouvelle ; mais, au reste, en trouva des raisons pour ne pas regarder cela comme une entière défaite. Les uns s’en prirent à une trop grande précipitation de la part du consul ; les autres, à la perfidie des Gaulois alliés, qui, à dessein, ne s’étaient pas défendus ; perfidie qu’ils en soupçonnaient d’après l’infidélité que ces peuples venaient tout récemment de commettre ; mais comme l’infanterie était encore en son entier, on se flattait qu’il n’y avait encore rien à craindre pour le salut de la république. Aussi, lorsque Sempronius traversa Rome avec ses légions, on crut que, dès qu’il serait arrivé au camp, la présence seule d’une si puissante armée mettrait Annibal en fuite, et terminerait la guerre.

Toutes les troupes s’étant rendues à Ariminum, selon qu’on s’y était engagé par serment, Tiberius, à leur tête, fit diligence pour rejoindre son collègue. Il campa près de lui, fit rafraîchir son armée, qui depuis Lilybée jusqu’à Ariminum, avait marché pendant quarante jours de suite, et donna ordre que l’on disposât tout pour une bataille. Pendant que l’on s’y préparait, il visitait souvent Publius, et se faisait rendre compte de ce qui s’était passé, et ils tenaient conseil ensemble sur ce qu’il y avait à faire. Annibal, pendant leurs délibérations, trouva moyen d’entrer dans Clastidium, dont le gouverneur pour les Romains lui ouvrit les portes. Maître de la garnison et des magasins, il distribua les vivres à ses soldats, et réunit les prisonniers à ses troupes, sans leur faire aucun mal, afin de donner un exemple de la douceur dont il voulait user, pour que ceux qu’on prendrait dans la suite es-