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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/491

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POLYBE, LIV. III.

mides revinrent à la tête de leurs gens, fondirent sur les flancs des Romains, y mirent le désordre, et empêchèrent qu’ils ne se défendissent contre ceux qui les attaquaient de front. Mais les pesamment armés qui de part et d’autre en étaient aux mains, au centre et dans la première ligne, combattirent plus long-temps de pied ferme et avec un égal avantage. Ce fut aussi le moment où les Numides sortirent de leur embuscade, chargèrent en queue les légions qui combattaient au centre, et y jetèrent une confusion extrême. Les deux ailes attaquées de front par les éléphans, en flanc et à dos par les soldats armés à la légère, furent culbutées dans la rivière. Au corps de bataille, ceux qui formaient la réserve ne purent tenir contre les Numides, qui, fondant sur eux par les derrières, les accablèrent de traits et les renversèrent. Il n’y eut que la première ligne qui se fît ressource de son courage et de la nécessité. Elle perça, non sans un grand courage, à travers les Gaulois et les Africains. Mais après la défaite de ses ailes, voyant qu’elle ne pouvait ni les secourir, ni retourner au camp, dont la cavalerie numide, la rivière et la pluie ne lui permettaient pas de reprendre le chemin ; serrée et gardant ses rangs, elle prit la route de Plaisance, où elle se retira sans danger et au nombre au moins de dix mille hommes. La plupart des autres qui restaient, périrent sur les bords de la rivière, écrasés par les éléphans ou par la cavalerie. Ceux qui purent échapper, tant fantassins que cavaliers, se joignirent au corps dont nous venons de parler, et le suivirent à Plaisance. Les Carthaginois poursuivirent l’ennemi jusqu’à la rivière, d’où arrêtés par la rigueur de la saison, ils revinrent à leurs retranchemens. La victoire fut complète, et la perte peu considérable. Quelques Espagnols seulement et quelques Africains restèrent sur le champ de bataille, les Gaulois furent les plus maltraités ; mais tous souffrirent beaucoup de la pluie et de la neige. Beaucoup d’hommes et de chevaux périrent de froid, et de tous les éléphans on n’en put sauver qu’un seul.




CHAPITRE XVI.


Préparatifs des Romains pour réparer leur perte. — Exploits de Corn. Scipion dans l’Espagne. — Adresse d’Annibal pour attirer à son parti les Gaulois. — Passage du marais de Clusium.


Sempronius, pour cacher sa honte et sa défaite, envoya à Rome des courriers qui n’y dirent autre chose si ce n’est qu’il s’était livré une bataille, et que sans le mauvais temps l’armée romaine eût remporté la victoire. D’abord on ne pensa point à se défier de cette nouvelle ; mais on apprit bientôt tout le détail de l’action : que les Carthaginois occupaient le camp des Romains ; que tous les Gaulois avaient fait alliance avec Annibal ; que les légions avaient fait retraite et s’étaient réfugiées dans les villes, et qu’elles n’avaient de munitions que ce qui leur en venait de la mer par le Pô. On fut extrêmement surpris d’un événement si tragique, et, pour en prévenir les suites, on fit de grands préparatifs pour la campagne suivante. On mit des garnisons dans les places ; on envoya des troupes en Sardaigne et en Sicile ; on en fit marcher aussi sur Tarente, et dans tous les postes les plus propres à arrêter l’ennemi, enfin on équipa soixante quinquérèmes. On choisit pour consuls Cn. Servilius et Caïus Flaminius, qui firent des levées chez les alliés, et envoyèrent des vivres à Ariminum et

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