Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
518
POLYBE, LIV. IV.

Mais dès qu’Aratus se fut présenté, qu’il eut fait souvenir le peuple de ce qu’il avait fait auparavant pour la république ; que, pour se justifier des accusations intentées contre lui, il eut fait voir qu’il n’était pas la cause de ce qui était arrivé ; qu’il eut demandé pardon des fautes qu’il aurait pu commettre malgré lui dans cette occasion ; qu’il eut prié qu’on délibérât sur les affaires avec calme et sans passion ; le peuple changea tout d’un coup à son égard, et prit des dispositions si généreuses et si favorables, qu’il s’irrita contre les accusateurs d’Aratus, et ne suivit dans tout ce qui se fit ensuite que les avis de ce préteur.

Tout ceci arriva dans la cent trente‑neuvième olympiade. Ce que nous allons rapporter appartient à la suivante.

Le résultat du conseil des Achéens fut que l’on enverrait des députés vers les Épirotes, les Béotiens, les Phocéens, les Acarnaniens et Philippe, pour leur apprendre de quelle manière les Étoliens, contre la foi des traités, étaient entrés dans l’Achaïe à main armée déjà deux fois, et pour les presser, en vertu des traités, de venir à leur secours ; que l’on engagerait les Messéniens à faire alliance avec eux ; que le préteur lèverait cinq mille hommes de pied et cinq cents chevaux ; que l’on secourrait les Messéniens, si les Étoliens entraient sur leurs terres ; qu’enfin on conviendrait avec les Lacédémoniens et les Messéniens du nombre de cavalerie et d’infanterie qu’ils seraient obligés de fournir pour la guerre commune. C’est par ces décrets que les Achéens se mirent au‑dessus du malheur qui leur était arrivé, qu’ils continuèrent à protéger les Messéniens, et qu’ils demeurèrent fermes dans leur première résolution. Les députés s’acquittèrent de leur commission ; Aratus leva des soldats dans l’Achaïe selon le décret de l’assemblée, et les Lacédémoniens et les Messéniens convinrent de donner chacun deux mille cinq cents hommes de pied et deux cent cinquante chevaux. Toute l’armée fut de dix mille hommes de pied et de mille chevaux.

Les Étoliens, quand ils en furent venus à délibérer, conçurent le dessein de traiter de la paix avec les Lacédémoniens, les Messéniens et tous les autres alliés pour les séparer des Achéens, et de faire la paix avec ceux‑ci, s’ils renonçaient à l’alliance des Messéniens ; sinon, de leur déclarer la guerre. C’était le projet du monde le plus ridicule, qui consistait à être alliés des Achéens et des Messéniens et cependant à leur faire la guerre ; supposé qu’ils demeurassent unis ; et à faire la paix en particulier avec les Achéens, en cas qu’ils se tournassent contre les Messéniens. Ce projet est si étrange, qu’on ne conçoit pas comment il a pu leur venir dans l’esprit. Les Épirotes et Philippe, ayant entendu les députés, reçurent les Messéniens dans leur alliance. Ils furent d’abord fort irrités de ce qu’avaient osé faire les Étoliens ; mais leur surprise dura peu : ils savaient que ces sortes de perfidies étaient assez ordinaires à ce peuple. Leur colère s’évanouit bientôt, et on résolut de faire la paix avec lui : tant il est vrai que l’on pardonne plus aisément une injustice continuée qu’une autre qui arriverait rarement, et à laquelle on ne s’attendrait pas !

C’est ainsi que les Étoliens pillaient continuellement la Grèce, et portaient la guerre chez plusieurs peuples, sans qu’on en sût la raison. Et quand on les en accusait, ils ne daignaient pas seulement se défendre. Ils se moquaient de ceux qui leur demandaient