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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/528

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POLYBE, LIV. IV.

Ces trois cents exilés, car il y en avait presque autant, n’attendirent pas qu’il se présentât un sujet ou du moins un prétexte de se déclarer contre la ville et contre leurs libérateurs ; à peine y furent‑ils entrés, qu’ils complotèrent contre eux. Je crois même que, dans le temps qu’on se jurait sur les victimes une fidélité inviolable, ces perfides roulaient déjà dans leur esprit l’attentat qu’ils devaient commettre contre les dieux et contre leurs concitoyens ; car ils ne furent pas si tôt rentrés dans le gouvernement, qu’ils firent venir les Étoliens dans le dessein de perdre et ceux qui les avaient sauvés, et la patrie dans le sein de laquelle ils avaient été élevés. Or, voici la trahison qu’ils eurent l’audace de tramer.




CHAPITRE V.


Les Étoliens s’emparent de Cynèthe, et y mettent le feu. — Demetrius de Pharos et Taurion se mettent à leur poursuite, mais trop tard. — Faiblesse d’Aratus. — Caractère des Cynéthènes. — Pourquoi ils ressemblent si peu au reste des peuples de l’Arcadie.


Parmi les exilés il y en avait quelques‑uns qui avaient eu le commandement dans la guerre, et qu’on appelle pour cela polémarques : c’est à ces magistrats qu’il appartient de fermer les portes de la ville, de garder les clefs tant qu’elles sont fermées, et d’y faire la garde pendant le jour. Les Étoliens avec des échelles étaient toujours prêts, et épiaient l’occasion. Un jour, ces polémarques ayant massacré ceux qui étaient de garde avec eux, et ouvert les portes, une partie des Étoliens entra par là dans la ville, pendant que l’autre escaladait les murailles. Les habitans épouvantés ne savaient quelles mesures prendre. Ils ne pouvaient courir aux portes et les défendre, parce qu’il fallait repousser ceux qui montaient par les murailles ; et ils ne pouvaient aller aux murailles sans abandonner les portes. Ainsi les Étoliens furent bientôt maîtres de la ville. Ils y commirent de grands désordres ; mais ils firent cependant une chose dont on ne peut trop les louer ; ce fut de commencer le carnage par tuer ceux qui leur avaient livré la ville, et de piller d’abord leurs biens. Tous les autres habitans furent ensuite traités de la même manière. Enfin, s’étant logés dans les maisons des citoyens, ils fouillèrent partout, pillèrent tout ce qui s’y trouvait, et tous ceux des habitans qu’ils soupçonnaient d’avoir quelque meuble précieux ou quelque autre chose considérable caché, ils leur faisaient souffrir mille tourmens pour les leur faire découvrir.

Cynèthe ainsi saccagée, ils y mirent une garnison, levèrent leur camp, et s’en allèrent à Luysse. Arrivés au temple de Diane qui est entre Cynèthe et Clitorie, ils tâchèrent d’enlever les troupeaux de la déesse, et de piller tout ce qui se rencontrait autour du temple. Les Luyssiates eurent la prudence de leur donner quelques meubles et quelques ornemens sacrés, et par là les empêchèrent de se souiller par une impiété, et de faire un plus grand tort dans le pays. De là les Étoliens allèrent mettre le camp devant Clitorie.

Pendant ce temps‑là, Aratus, préteur des Achéens, envoyait demander du secours à Philippe, levait lui‑même des troupes, assemblait les forces que les Lacédémoniens et Messéniens lui fournissaient en vertu des traités. D’abord les Étoliens tâchèrent de persuader aux Clitoriens de rompre avec les Achéens, et d’entrer dans leur alliance : n’en étant point écoutés, ils les assiégent et