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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/531

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POLYBE, LIV. IV.

haite aussi que les Cynéthéens profitent de cette digression, et qu’avec l’aide des dieux, ils s’adonnent à tout ce qui peut adoucir leur caractère, et surtout à la musique. C’est le seul moyen qu’ils aient pour se défaire de cet esprit sauvage et féroce qu’ils avaient dans ce temps‑là. En voilà assez sur les Cynéthéens. Je reprends mon récit.




CHAPITRE VI.


Sédition à Lacédémone. — Trois éphores soulèvent la jeunesse contre les Macédoniens. — Sage réponse de Philippe sur ce soulèvement. — Les alliés déclarent la guerre aux Étoliens.


Quand les Étoliens eurent fait dans le Péloponnèse tout le ravage que nous avons vu, ils revinrent chez eux sans opposition. Pendant ce temps‑là Philippe était à Corinthe avec une armée pour secourir les Achéens. Comme il était arrivé trop tard, il dépêcha vers tous les alliés pour les presser de lui faire venir à Corinthe ceux avec qui ils souhaitaient qu’on délibérât sur les intérêts communs. Il se mit lui‑même en marche, et s’avança vers Tégée, sur l’avis qu’il avait eu qu’il y avait une sédition à Lacédémone, et que les citoyens s’égorgeaient les uns les autres. Ce peuple, accoutumé à être gouverné par des rois et à obéir à des chefs, n’eut pas été plus tôt mis en liberté par Antigonus, qu’il se mit en tête que tous étaient égaux et avaient les mêmes droits.

D’abord deux des éphores tinrent secrète la disposition où ils étaient. Trois autres s’entendaient avec les Étoliens, persuadés que Philippe était trop jeune pour gouverner le Péloponnèse. Mais, les Étoliens étant sortis de cette province, et Philippe étant arrivé de Macédoine plus tôt qu’ils ne pensaient, les trois derniers commencèrent à se défier d’un des deux autres nommé Adimante, qui n’approuvait pas le dessein qu’ils projetaient, et qu’ils lui avaient communiqué. Ils craignirent qu’il ne les trahît auprès de Philippe, et ne lui découvrît leur cabale. Pour prévenir ce malheur, ils assemblèrent quelques jeunes gens et firent publier que ceux qui étaient en âge de porter les armes se trouvassent au temple de Minerve, pour prendre les armes contre les Macédoniens qui approchaient. Un ordre si peu attendu mit en révolution toute la jeunesse. Adimante, affligé de ce tumulte, se hâta d’arriver le premier, et quand la jeunesse fut assemblée : « Lorsque nous apprîmes, dit‑il, que les Étoliens, nos ennemis déclarés, mettaient le pied sur nos frontières, c’était alors que l’on devait publier de ces sortes de décrets et faire des levées ; mais aujourd’hui que ce sont les Macédoniens, nos amis et nos défenseurs, qui viennent à notre secours, leur roi à leur tête, est‑il prudent de nous soulever contre eux ? » À peine avait‑il achevé, que quelques jeunes gens lui passèrent leurs épées au travers du corps. Ils égorgèrent encore Sthénélas, Alcamène, Thyeste, Bionidas et un grand nombre d’autres citoyens. Polyphonte et quelques autres, prévoyant les suites de cette affaire, se retirèrent sagement vers Philippe.

Aussitôt après ce massacre, les éphores qui en avaient été les principaux auteurs envoyèrent à Philippe pour se plaindre de ces meurtres et pour le prier de ne pas venir à Lacédémone que le soulèvement n’y fût apaisé et que tout n’y fût tranquille ; qu’il devait être persuadé qu’ils feraient pour les Macédoniens tout ce que la justice et l’amitié demandaient d’eux. Ces députés ren-