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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/537

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POLYBE, LIV. IV.

pour se maintenir long-temps dans leur pays, c’est, selon la pensée d’Épaminondas, de se joindre ensemble de manière que rien ne soit capable de rompre ou d’altérer tant soit peu leur union. Ils n’ont qu’à remonter aux temps qui les ont précédés, pour se convaincre des avantages de cette société. Entre autres choses que les Messéniens firent pour marquer aux Mégalopolitains leur reconnaissance, au temps d’Aristomène, ils élevèrent une colonne près de l’autel de Jupiter Lycien, sur laquelle, d’après le témoignage de Callisthène, étaient inscrits ces quatre vers :

Il n’a pas été permis qu’un roi injuste restât impuni.
Messène, grâce à Jupiter, a découvert celui qui l’avait trahie,
Un parjure ne saurait échapper à la divinité.
Salut, roi Jupiter ! continue à protéger les Arcadiens.

Il me paraît que les Messéniens, dans cette inscription, ne prient les dieux de sauver l’Arcadie que parce qu’elle était pour eux comme une seconde patrie après la perte de la leur propre. En effet, pendant la guerre d’Aristomène, après qu’ils eurent été chassés de leur patrie, les Arcadiens ne se contentèrent pas de les recevoir chez eux et de les ranger au nombre des citoyens, ils donnèrent encore leurs filles en mariage à ceux des jeunes Messéniens qui étaient en âge de se marier. Outre cela, ils firent une exacte recherche de la trahison dont Aristocrate leur roi s’était rendu coupable dans le combat appelé la journée du fossé, le tuèrent, et éteignirent toute sa race.

Mais sans recourir aux vieux temps, ce qui s’est passé depuis l’union de Mégalopolis avec Messène, prouve assez ce que je viens d’avancer. Après la bataille de Mantinée, où la mort d’Épaminondas rendit la victoire douteuse, bien que les Lacédémoniens ne voulussent pas que les Messéniens fussent compris dans le traité, parce qu’ils espéraient se rendre bientôt maîtres de Messène ; les Mégalopolitains et tous ceux qui étaient unis avec les Arcadiens pressèrent si fort les alliés d’admettre les Messéniens, de recevoir leurs sermens, et de les faire entrer dans le traité le paix, qu’enfin ils l’emportèrent, et que les Lacédémoniens furent les seuls de toute la Grèce qui en fussent exclus. Après cela, doutera‑t‑on dans la postérité que le conseil que nous donnons aux Messéniens et aux Mégalopolitains soit bien fondé ? Aussi ne le leur ai‑je donné qu’afin que, n’oubliant jamais les maux que leur patrie a soufferts de la part des Lacédémoniens, ils vivent toujours les uns avec les autres dans une parfaite intelligence et se gardent une fidélité inviolable, et que la terreur de cet ennemi ni le désir de la paix ne les portent jamais à se séparer les uns des autres. Revenons à notre sujet.




CHAPITRE IX.


Députation des Spartiates vers les Étoliens. — Sparte demeure fidèle à Philippe. — Sédition qui s’élève dans cette ville, et pourquoi. — On y crée de nouveaux rois, qui font la guerre aux Achéens.


Les Lacédémoniens reçurent les députés des alliés assez selon leur coutume ; aveuglés par leur folie et leur mauvaise volonté, ils les renvoyèrent sans leur rien répondre : tant ce que l’on dit est vrai, qu’une audace effrénée renverse l’esprit et ne forme que des projets chimériques. Cependant on élut à Sparte de nouveaux éphores. Ceux qui avaient d’abord embrouillé les affaires, et qui avaient été la cause des meurtres, envoyèrent un message

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