Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
536
POLYBE, LIV. IV.

ger de Byzance dans le détroit de la Propontide, où sont Abydos et Sestos. C’est tout le contraire par rapport à Calcédoine, parce que la côte est inégale, et que d’ailleurs l’île de Cyzique avance beaucoup dans la mer. Pour y venir de l’Hellespont, on est obligé de longer la côte de l’Europe, et, quand on est proche de Byzance, de se détourner pour prendre la route de Calcédoine, ce qui n’est pas facile : nous en avons dit la raison. De même, en sortant de son port, il est absolument impossible de cingler droit vers la Thrace ; car, outre le cours de l’eau qu’il faudrait forcer, on aurait encore à surmonter, ou le vent du midi qui pousse vers le Pont, ou le vent du nord qui en fait sortir ; et, soit qu’on vienne de Byzance à Calcédoine ou qu’on aille de Calcédoine en Thrace, on ne peut pas éviter l’un ou l’autre de ces vents. Mais après avoir expliqué les avantages que les Byzantins tirent du côté de la mer, voyons les désavantages auxquels ils sont exposés du côté de la terre.

D’une mer à l’autre, ils sont environnés de la Thrace et sont perpétuellement en guerre avec les peuples de ce pays. Qu’après de grands préparatifs de guerre, ils obligent une fois les Thraces de mettre bas les armes, le nombre d’hommes et de souverains est si grand, qu’une victoire ne peut les dompter tous. Qu’ils en aient vaincu un, trois plus puissans viennent les attaquer jusque dans leur pays. En vain ils font des traités et consentent à leur payer des tributs. Ils ne peuvent rien accorder à un, que cela même ne leur suscite une guerre avec plusieurs autres. En un mot, c’est une guerre dont ils ne peuvent se délivrer, et qui leur coûte néanmoins beaucoup à soutenir ; car quoi de plus dangereux qu’un mauvais voisin, et y a‑t‑il guerre plus cruelle que celle que font les Barbares ?

Outre ces guerres et les calamités dont elles ont coutume d’être suivies, ils souffrent encore du côté de la terre une peine à peu près semblable à celle que souffre Tantale chez les poëtes. Quand ils ont bien cultivé leurs terres, et qu’ils sont prêts de recueillir les beaux fruits qu’elles portent, ces Barbares font une irruption, en gâtent une partie et emportent l’autre, et ne laissent aux Byzantins que le regret d’avoir travaillé et dépensé beaucoup à mettre leurs terres en état de produire de belles moissons, qu’ils ont la douleur de voir enlever. Cette guerre continuelle avec les Thraces n’a pas empêché qu’ils n’aient toujours gardé aux Grecs une exacte fidélité. Mais le comble de leur malheur fut la descente que firent les Gaulois dans leur pays, sous la conduite de Comontorius. Ces Gaulois étaient du nombre de ceux qui, sous Brennus, étaient sortis de leur pays, et qui, s’étant échappés du péril dont ils étaient menacés à Delphes, s’enfuirent vers l’Hellespont, où ils s’arrêtèrent. Les environs de Byzance leur parurent si délicieux, qu’ils ne pensèrent point à passer en Asie. Ils se rendirent ensuite maîtres de la Thrace, et ayant établi le siége de leur empire à Tyle, ils réduisirent les Byzantins aux dernières extrémités. Dans la plus ancienne irruption que fit Comontorius, le premier de leurs rois, les Byzantins lui donnèrent tantôt trois, tantôt cinq, tantôt dix mille pièces d’or pour empêcher qu’il ne fît du dégât sur leurs terres. Enfin la somme alla jusqu’à quatre‑vingts talens par an, qu’ils payèrent jusqu’à la chute de cette monarchie, laquelle arriva sous Cavarus. Les Gaulois tombèrent à leur tour sous la puissance des Thraces, qui