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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/55

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plus parfaite des principes de l’art. Tels sont les préceptes d’après lesquels Jomini veut que l’on forme des ordres de bataille offensifs, préceptes qui encâdrent, pour ainsi parler, tous les cas prévus, puisqu’il ne s’agit plus que de les modifier suivant les circonstances.

De toutes les figures que les armées peuvent prendre pour former des ordres de bataille, il n’y en a pas qui n’offrent quelque côté plus faible que l’autre. L’ennemi, pour combattre, nous présente toujours la partie la plus forte, c’est-à-dire le front ; mais ceux qui sont habiles, tâchent de l’éviter, et c’est ce que l’on peint, d’une manière si pittoresque, en style militaire, quand on dit qu’il ne faut pas attaquer le taureau par les cornes.

Les parties faibles d’une ligne de bataille sont les flancs et le derrière. C’est donc de ce côté que l’on doit diriger son attention et ses efforts. On peut aussi choisir une portion du front de cette ligne, et là, porter rapidement plus de troupes que l’ennemi n’en peut opposer actuellement. Mais il faut que les manœuvres préparatoires soient courtes, que l’attaque devienne imprévue, foudroyante, afin que l’ennemi n’ait pas le temps de la paralyser par des corps tirés des parties qui ne sont pas menacées. Voilà le principe général sur lequel on doit former les ordres de bataille offensifs.

On prétend qu’après la journée mémorable d’Austerlitz, un aide-de-camp de Napoléon étant allé, de sa part, trouver l’empereur Alexandre, ce prince lui témoigna son étonnement de ce que ses adversaires, inférieurs en nombre, eussent paru avec des forces supérieures sur tous les points où l’on s’était battu. — Sire, répondit le général français, c’est l’art de la guerre.


CHAPITRE VI.


Des Camps romains, et de la Discipline des troupes.


Les Romains, dont la constitution physique était généralement plus faible que la nôtre, avaient réussi à se former une seconde nature, par l’habitude du travail et des exercices qui exigent l’adresse et l’agilité.

Au sortir des écoles, les jeunes gens se rendaient au Champ-de-Mars, et l’on commençait à leur enseigner le maniement des armes. L’agriculture même, si vénérée dans les premiers temps de la république, n’était qu’un apprentissage de la guerre. On s’y accoutumait à remuer la terre, à creuser des fossés, à soulever des fardeaux pesans, à supporter la faim, la soif, le froid, le chaud ; et ces rudes fatigues avaient si bien endurci les Romains, qu’on ne les voyait jamais suer ni haleter, malgré la pesanteur du bagage dont ils étaient chargés pendant les marches.

« Dans les expéditions difficiles, dit Cicéron, un soldat porte souvent des vivres pour quinze jours, quelquefois des pieux ; mais il compte que son bouclier, sa cuirasse et son casque, ne font pas plus partie du fardeau que ses épaules, ses bras et ses mains ; car il regarde ses armes comme ses membres. »

Une fois, César donna ordre à ses légionnaires de se pourvoir de blé pour vingt jours ; Scipion en fit prendre aux siens pour trente. Chaque homme portait encore des outils, des ustensiles, et au moins une palissade. Dans la supposition de quinze jours de vivres seulement, le tout pesait soixante livres sans compter les armes. Et cependant, les Romains ainsi chargés, faisaient vingt-quatre mille, ou huit de nos lieues en cinq heures de temps !