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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/551

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POLYBE, LIV. IV.

la fable, par Hercule, qui en voulait faire une place de guerre contre les Éléens. Après cet échec, les peuples de Dyme, de Phare et de Tritée, ne se croyant pas en sûreté depuis que leur fort avait été pris, donnèrent avis aux préteurs des Achéens de ce qui s’était passé, et lui demandèrent du secours ; puis ils envoyèrent des ambassadeurs pour le même sujet. Mais Aratus ne pouvait alors lever des soldats étrangers, parce que les Achéens avaient manqué de leur payer quelque reste qui leur était dû depuis la guerre de Cléomène ; et d’ailleurs ce préteur, pour le dire en un mot, n’avait ni esprit pour former des entreprises, ni courage pour les exécuter ; ce qui fut cause de ce que Lycurgue prit l’Athénée, citadelle de Mégalopolis, et qu’Euripidas s’empara encore dans la suite de Gorgon et de Telphussie.

Comme il n’y avait donc rien à espérer d’Aratus, les Dyméens, les Pharéens et les Tritéens résolurent de ne plus rien donner aux Achéens, mais de lever par eux‑mêmes des soldats étrangers. Ils en levèrent trois cents d’infanterie et cinquante chevaux, pour mettre leur pays à couvert d’insulte. Cette résolution était assez avantageuse à leurs intérêts particuliers, mais très-préjudiciable au bien commun de la nation. Par là ils mettaient les armes à la main à tous ceux qui ne cherchaient qu’un prétexte pour se jeter dessus et la ruiner. Le préteur fut la principale cause de ce décret odieux, par sa négligence et les délais perpétuels qu’il apportait lorsqu’il s’agissait de secourir ceux qui avaient recours à lui.

Au reste, il n’y a personne qui, en pareille occasion, n’eût fait et ne fasse comme ces peuples. On tient à ses alliés et à ses amis tant qu’on espère d’eux du secours ; mais lorsque dans le péril on se voit abandonné, on fait ce qu’on peut pour se tirer soi‑même d’embarras. Ainsi, je ne blâme pas ces peuples d’avoir fait en particulier des levées de soldats étrangers ; mais ils avaient grand tort de refuser à la république ce qu’ils avaient coutume de lui payer. Qu’ils veillassent à leur intérêt particulier, cela était juste ; mais cela ne devait pas empêcher qu’ils ne contribuassent au bien commun lorsque les occasions s’en présenteraient. Ils y étaient d’autant plus obligés, qu’en vertu des lois, ils n’auraient pas manqué de regagner ce qu’ils auraient donné, et qu’ils avaient eu la principale part dans la fondation et l’établissement de la république achéenne.

Pendant que ces choses étaient en cet état dans le Péloponnèse, Philippe, ayant traversé la Thessalie, était venu en Épire, où après avoir joint grand nombre d’Épirotes aux Macédoniens, trois cents frondeurs qui lui étaient arrivés d’Achaïe, et trois cents Crétois que lui avaient fournis les Polyrrhéniens, il vint par l’Épire dans le pays des Ambraciotes. Si d’abord il s’était jeté avec toutes ces forces sur l’Étolie, il aurait tout d’un coup terminé la guerre ; mais s’étant arrêté, d’après les conseils des Épirotes, à assiéger Ambracie, il donna aux Étoliens le temps non-seulement d’attendre de pied ferme, mais encore de prendre leurs sûretés pour l’avenir. En cela les Épirotes consultaient bien moins le bien des alliés que leur intérêt particulier. Ils ne prièrent Philippe de commencer par là son expédition, que parce que, souhaitant avec ardeur de gagner Ambracie sur les Étoliens, il n’y avait pour cela d’autre moyen que de se rendre maître d’Ambracie, et tenir de là la ville en échec. Ce château est bien bâti, fermé de murailles et fortifié d’ouvrages avancés. Il