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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/559

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POLYBE, LIV. IV.

favorable. Quoi qu’il en soit, il reste encore dans ce pays quelques vestiges de son ancienne manière de vivre, et les peuples y conservent encore beaucoup de penchant pour la campagne. C’est pour cela que quand Philippe y vint, quoiqu’il fît beaucoup de prisonniers, il y eut un plus grand nombre de personnes qui s’enfuirent dans la ville.

Les Éléens retirèrent la plus grande partie de leurs effets, de leurs esclaves et de leurs troupeaux, dans un fort nommé Thalamas, place qu’ils avaient choisie, tant parce que les avenues en sont étroites et qu’il est difficile d’en approcher, que parce qu’il est éloigné de tout commerce. Sur l’avis que le roi reçut que grand nombre d’Éléens s’étaient réfugiés dans ce château, résolu de tout tenter et de tout hasarder, il commença par poster ses étrangers dans tous les lieux par où il pouvait aisément faire passer son armée ; puis laissant le bagage et la plus grande partie de son armée dans les retranchemens, il entra dans les défilés avec les rondachers et les troupes légères. Il parvint jusqu’au château-fort sans rencontrer personne qui lui disputât le passage. Les assiégés, qui n’entendaient rien à la guerre, qui n’avaient point de munitions, et entre lesquels il y avait quantité de gens de la lie du peuple, craignirent un assaut et se rendirent d’abord. On comptait parmi eux deux cents mercenaires ramassés de tous côtés, qu’Amphidamus, préteur des Éléens, avait amener avec lui. Philippe gagna là une grande quantité de meubles, plus de cinq mille esclaves, et une quantité infinie de bétail. Après cette expédition il revint à son camp. Son armée était si enrichie et si chargée du butin, que, ne la jugeant en état de rien entreprendre, il retourna à Olympie, et y campa.




CHAPITRE XVII.


Apelles, tuteur de Philippe, tourmente les Achéens. — Éloge de Philippe. — Escalade d’Aliphère, ville d’Arcadie. — Conquêtes du roi de Macédoine dans Triphylie. — Les Lépréates chassent de chez eux Phylidéas, général des Étoliens.


Apelles, un des tuteurs qu’Antigonus avait laissés à Philippe, et qui pouvait beaucoup sur l’esprit du roi, fit, pour réduire les Achéens au sort des Thessaliens, une chose qu’on ne peut trop détester. Les Thessaliens passaient pour vivre selon leurs lois particulières, et pour avoir un gouvernement différent de celui de Macédoniens. Il n’y avait cependant aucune différence ; les uns et les autres ne faisaient rien sans ordre des officiers royaux. Dans cette vue, il résolut d’inquiéter et de tourmenter ce qu’il y avait d’Achéens dans l’armée. Il commença par permettre aux Macédoniens de chasser les Achéens des logemens où ils étaient entrés les premiers, et d’enlever leur butin. Après cela, pour les moindres sujets, il les faisait frapper par des valets. Si quelques‑uns de la même nation le trouvaient mauvais ou se disposaient à les secourir, lui‑même les conduisait en prison. Il croyait pouvoir par cette conduite accoutumer insensiblement les Achéens à ne pas se plaindre de ce qu’ils auraient à souffrir de la part du roi. Cependant cet homme, se trouvant dans l’armée d’Antigonus peu de temps auparavant, avait été témoin que Cléomène avait inutilement tenté d’user des voies les plus violentes pour réduire les Achéens à se soumettre à ses ordres. Quelques jeunes Achéens se mutinèrent, allèrent trouver Aratus, et lui découvrirent le