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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/562

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POLYBE, LIV. IV.


CHAPITRE XVIII.


Philippe subjugue toute la Triphylie en six jours. — Troubles excités à Lacédémone par Chilon. — Les Lacédémoniens sortent de Mégalopolis. — Artifice d’Apelles contre Aratus, le père et le fils. — L’Élide ravagée par Philippe.


Philippe fit ensuite marcher à Léprée une partie de son armée, et ne se réserva que les soldats à petits boucliers et les troupes légères, avec lesquels il tâcha de joindre Phylidas. Il le joignit, et lui emporta tout son bagage. Phylidas pressa sa marche pour s’échapper, et se jeta dans Samique. Aussitôt le roi campa devant cette place ; il rappela de Léprée le reste de son année, et fit semblant d’en vouloir faire le siége. Les Étoliens et les Éléens, qui n’avaient pour se défendre que leurs mains, craignirent les suites d’un siége, et demandèrent quartier. Philippe leur accorda de sortir avec leurs armes, et ils se retirèrent à Élée. D’autres peuples du voisinage vinrent aussi trouver le roi, qui, sans tirer l’épée, joignit à ses conquêtes Phrixe, Stillagie, Bolax, Pyrge et Épitalie. Il retourna ensuite à Léprée. Toute la Triphylie ne lui coûta que six jours à conquérir. À Léprée il fit assembler les citoyens, les exhorta à demeurer fidèles, mit garnison dans la citadelle, fit Ladique Acarnanien, gouverneur de cette province, et partit pour Érée, où il partagea le butin à toutes ses troupes, et, s’étant fourni là des provisions nécessaires, il prit, quoique au milieu de l’hiver, la route de Mégalopolis.

Pendant que Philippe soumettait à sa domination la Triphylie, Chilon le Lacédémonien, qui par sa naissance se croyait bien fondé à prétendre à la royauté, avait peine à supporter que les éphores eussent donné la préférence à Lycurgue. Pour se venger, il prit la résolution d’embrouiller les affaires. Rien ne lui parut plus propre à son dessein, que de suivre les traces de Cléomène, et de proposer comme lui un nouveau partage des terres, attrait infaillible, à ce qu’il pensait, pour ranger la multitude dans son parti. Il fit part de son dessein à ses amis, et, en ayant trouvé deux cents aussi entreprenans que lui, il ne songeait plus qu’à exécuter son projet. Lycurgue et les éphores qui l’avaient élevé à la royauté, étaient le plus grand obstacle qu’il eût à vaincre ; ils furent le premier objet de sa colère. Un jour, trouvant à table les éphores, il les fit tous égorger : supplice dont ils étaient bien dignes ; la fortune, voulant les punir, ne pouvait mieux choisir la peine. Ces hommes méritaient bien de mourir d’une telle main et pour un tel sujet.

Chilon, après s’être défait des éphores, alla chez Lycurgue. Celui‑ci était chez lui, mais il échappa à son ennemi. Quelques amis et voisins le firent évader, et il se sauva par des chemins détournés à Pellène, dans le territoire de Tripolis. Chilon était au désespoir ; Lycurgue pris, rien ne devait plus s’opposer à sa fortune. Mais, quoiqu’il eût manqué son coup, il s’était trop avancé pour reculer. Il entra dans la place, et passa au fil de l’épée tous ceux qu’il rencontra de ses ennemis. Il exhorta ses parens et ses amis à se joindre à lui et tâcha d’animer les autres par les plus belles promesses ; mais, loin de se remuer en sa faveur, chacun au contraire s’élevant contre lui, il se retira secrètement, traversa la Laconie et se réfugia chez les Achéens.

Les Lacédémoniens, craignant que Philippe ne vînt à eux, mirent la récolte de l’année à couvert, et se retirèrent de Mégalopolis, après en avoir rasé