Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
559
POLYBE, LIV. V.

chemens, endurcis aux travaux les plus pénibles, tel enfin qu’Hésiode représente les Éacides :

Plus contens sous les armes que dans les festins.

Pendant que le roi et les troupes macédoniennes s’occupaient, à Corinthe, aux exercices de la marine, et disposaient tout pour la campagne, Apelles, ne pouvant ni regagner les bonnes grâces du roi, ni supporter le mépris où il était tombé, fit complot avec Léontius et Mégaléas de se trouver dans toutes les affaires avec le roi, mais de s’y comporter de manière à traverser tous ses desseins. Il prit pour lui d’aller à Chalcis, et d’y faire en sorte qu’il n’en vînt au roi nulle munition. Il fit part de ce pernicieux projet aux deux autres conjurés, et partit pour Chalcis sous de vains prétextes, dont il colora au roi son départ. Il fut là si fidèle à la foi qu’il avait donnée aux compagnons de sa perfidie, et il sut si adroitement abuser de l’autorité que son ancienne faveur lui donnais sur les peuples, qu’enfin le roi, dénué de tout, se vit réduit à mettre en gage sa vaisselle, et à vivre sur l’argent qu’on lui prêta.

Quand les vaisseaux furent assemblés, et que les Macédoniens se furent formés à l’exercice de la rame, Philippe, ayant distribué des vivres et de l’argent aux soldats, mit à la voile et aborda le second jour à Patres. Son armée était de six mille Macédoniens et de douze cents mercenaires. Dorimaque, préteur des Étoliens, avait alors envoyé cinq cents Néocrètes au secours des Éléens, sous le commandement d’Agélas et de Scopas, et les Éléens, craignant que Philippe ne pensât à mettre le siége devant Cyllène, firent des levées de mercenaires, disposèrent les soldats de la ville à la défense, et fortifièrent cette place avec soin. Là-dessus le roi, pour avoir du secours dans le besoin, et pour se mettre en sûreté contre les entreprises des Éléens, prit le parti de laisser dans Dymes les mercenaires d’Achaïe, ce qu’il avait de Crétois, quelque cavalerie gauloise, et environ deux mille hommes d’élite de l’infanterie achéenne, et après avoir fait savoir aux Messéniens, aux Épirotes, aux Acarnaniens et à Scerdilaïdas, d’équiper leurs vaisseaux et de venir au devant de lui, il partit de Patres au jour marqué, et alla prendre terre à Pronos, dans la Céphallénie.

Comme cette petite place était forte, et que d’ailleurs le pays était étroit, il passa outre jusqu’à Palée. Ce pays était alors plein de blé, et fort en état de nourrir l’armée ; c’est pourquoi il fit débarquer ses troupes, et campa devant la ville. On tira les vaisseaux à sec, on les environna d’un fossé et d’un retranchement, et il envoya les Macédoniens au fourrage. Lui même, en attendant que ses alliés eussent rejoint et qu’on formât l’attaque, se mit à reconnaître la place, et à voir duquel côté on pourrait avancer les ouvrages et approcher les machines. Deux raisons le portaient à ce siége : par là il enlevait aux Étoliens un poste hors duquel ils ne pouvaient plus faire de descentes dans le Péloponnèse, et piller les côtes d’Épire et d’Acarnanie, car c’était des vaisseaux de Céphallénie qu’ils se servaient pour ces sortes d’expéditions ; et en second lieu, il s’acquérait ainsi qu’à ses alliés une place, d’où l’on pouvait très-commodément faire des incursions sur le pays ennemi : car la Céphallénie est située sur le golfe de Corinthe, en s’étendant vers la mer de Sicile ; elle est limitrophe, au septentrion et à l’occident du Péloponnèse, surtout du pays des Éléens et des parties méridionales