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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/579

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POLYBE, LIV. V.

dance. Une armée peut y entrer, elle en peut sortir très-facilement. En un mot, en occupant ce terrain on est en sûreté du côté de la ville, et l’on est avec cela maître de l’entrée et de la sortie des défilés.

Philippe se logea là tranquillement, et dès le lendemain, ayant envoyé devant ses bagages, il fit descendre son armée dans la plaine, et la rangea en bataille à la vue de la ville. Il resta là quelque temps, puis, tournant d’un côté, il prit la route de Tégée. Quand il fut arrivé à l’endroit où s’était donnée la bataille entre Antigonus et Cléomène, il y campa. Le lendemain, ayant reconnu les lieux et sacrifié aux dieux sur le mont Olympe et l’Eva, il fortifia son arrière-garde et continua sa marche. À Tégée il fit vendre tout le butin, et s’en alla par Argos à Corinthe. Il y avait là des ambassadeurs de Rhodes et de Chios, envoyés pour conclure un traité de paix avec les Étoliens : il les chargea, en les congédiant, de les y disposer. Il descendit à Léchée, pour passer de là dans la Phocide, où il avait dessein d’entreprendre quelque chose de plus important.

La conjuration de Léontius, de Mégaléas et de Ptolémée n’était pas encore éteinte. Comptant toujours épouvanter Philippe, et couvrir par là leurs crimes passés, ils soufflèrent aux oreilles des rondachers et des soldats de la garde du roi, des discours de cette sorte : qu’ils s’exposaient, pour le salut commun, à tout ce que la guerre avait de plus pénible et de plus périlleux ; que cependant on ne leur rendait point justice, et qu’on n’observait pas à leur égard l’ancien usage dans la distribution du butin. Les jeunes gens, échauffés par ces discours séditieux, se divisent par bandes, pillent les logemens des principaux d’entre les amis du roi, et s’emportent jusqu’à forcer les portes de sa maison et à en briser les tuiles. Grand tumulte aussitôt dans la ville. Philippe, averti, vient de Léchée en diligence. Il assemble les Macédoniens dans le théâtre, et, par un discours mêlé de douceur et de sévérité, il leur fait sentir le tort qu’ils avaient. Dans le trouble et la confusion où tout était alors, les uns disaient qu’il fallait saisir et punir les auteurs de la sédition, les autres qu’il valait mieux calmer les esprits doucement, et ne plus penser à ce qui s’était passé. Le roi, qui savait d’où le mal venait, dissimula dans le moment, fit semblant d’être satisfait, et, ayant exhorté ses troupes à l’union et à la paix, il reprit le chemin de Léchée. Depuis ce soulèvement il ne lui fut plus facile d’exécuter dans la Phocide ce qu’il avait projeté.

Léontius, ne voyant plus rien à espérer après les tentatives qu’il avait faites sans succès, eut recours à Apelles. Il envoya courriers sur courriers pour lui apprendre les peines qu’il avait essuyées depuis qu’il s’était brouillé avec le roi, et pour le presser de venir le joindre. Cet Apelles, pendant son séjour dans la Chalcide, y disposait de tout avec une autorité odieuse. À l’entendre, on eût dit que le roi, jeune encore, n’était presque gouverné que par lui, n’était maître de rien ; que le maniement des affaires lui appartenait, et qu’il avait plein pouvoir de faire tout à son gré. Les magistrats de Macédoine et de Thessalie, les officiers préposés au gouvernement des affaires lui rapportaient tout, et dans toutes les ville de Grèce à peine faisait-on mention du prince, soit qu’on eût des décrets à dresser, soit qu’il s’agit de décerner des honneurs, soit qu’il fallût faire des présens. Apelles avait tout eu son pouvoir, disposait de tout à son gré.