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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/601

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POLYBE, LIV. V.

chose se déciderait de gré à gré et par des conférences, et que Ptolémée n’oserait pas en venir à une bataille. Les ambassadeurs de part et d’autre étaient entrés dans le même sentiment, ceux d’Antiochus par le bon accueil que Sosibe leur avait fait à Memphis, et ceux de Ptolémée, parce que Sosibe avait empêché qu’ils ne vissent les préparatifs qui se faisaient à Alexandrie.

Selon le rapport des ambassadeurs d’Antiochus, Sosibe était préparé à tout événement, et, dans les conférences qu’avait Antiochus avec les ambassadeurs d’Égypte, il s’étudiait à leur faire voir qu’il n’était pas moins supérieur par la justice de sa cause que par ses armes. En effet, quand ces ambassadeurs furent arrivés à Séleucie, et qu’on en vint à discuter ce qui regardait la paix en particulier, selon l’ordre qu’ils en avaient reçu de Sosibe, le roi dit qu’on avait tort de lui faire un crime de s’être emparé d’une partie de la Cœlo-Syrie, qu’il l’avait seulement revendiquée comme un bien qui lui appartenait ; qu’Antigonus-le-Borgne avait le premier conquis cette province, que Seleucus l’avait eue sous sa domination, que c’était là les titres authentiques sur lesquels il était fondé à se la faire rendre par Ptolémée, qui n’y avait aucun droit ; qu’à la vérité ce prince avait eu la guerre avec Antigonus, mais pour aider Seleucus à s’y établir, et non pas pour y dominer lui-même. Il appuyait principalement sur la concession qui lui avait été faite de ce pays par les rois Cassander, Lysimaque et Seleucus, lorsque, après avoir défait Antigonus, ils décidèrent unanimement dans un conseil, que toute la Syrie appartenait à Seleucus.

Les ambassadeurs de Ptolémée soutinrent, tout au contraire, que c’était une injustice manifeste que la trahison de Théodote et l’irruption d’Antiochus, et prétendirent que Ptolémée, fils de Lagus, s’était joint à Seleucus pour aider celui-ci à se rendre maître de toute l’Asie ; mais que c’était à condition que la Cœlo-Syrie et la Phénicie seraient à Ptolémée. On disputa long-temps sur ces points de part et d’autre dans les conférences, et l’on ne concluait rien, parce que, les affaires se traitant par amis communs, il n’y avait personne qui pût modérer la chaleur avec laquelle un parti tâchait de faire tourner les choses à son avantage au préjudice de l’autre. Ce qui leur causait le plus d’embarras, c’était l’affaire d’Achéus. Ptolémée aurait bien voulu le comprendre dans la traité ; mais Antiochus ne pouvait souffrir qu’on en fît mention : il regardait comme une chose indigne que Ptolémée se rendît le protecteur d’un rebelle et osât seulement en parler.

Pendant cette contestation, où chacun se défendit du mieux qu’il put sans rien décider, le printemps arriva et Antiochus assembla ses troupes, menaçant d’attaquer par mer et par terre et de subjuguer le reste de la Cœlo-Syrie. Ptolémée, de son côté, fit Nicolas généralissime de ses armées, amassa des vivres en abondance proche de Gaza, et mit en mouvement deux armées, une sur terre et une sur mer. Nicolas, plein de confiance, se met à la tête de la première, soutenu par l’amiral Périgène, à qui Ptolémée avait donné le commandement de la seconde : cette dernière était composée de trente vaisseaux pontés et de plus de quatre cents vaisseaux de charge. Le général, Étolien de naissance, était un homme expérimenté et courageux, qui ne cédait en rien aux autres officiers de Ptolémée. Une partie de ses troupes s’empara des détroits de Platane, pendant

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