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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/620

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POLYBE, LIV. V.

qu’il ne fût plus en pouvoir ni de prendre les armes, ni de traiter de paix, ni de terminer en aucune façon les puériles contestations qu’ils avaient maintenant, et qu’ils ne fussent réduits à demander aux dieux, comme une grande grâce, la liberté de décider leurs affaires à leur gré et de la manière qu’ils le jugeraient à propos.

Il n’y eut personne à qui ce discours ne fît souhaiter la paix avec ardeur. Philippe en fut d’autant plus touché, qu’on ne lui proposait que ce qu’il souhaitait déjà, et ce à quoi Demetrius l’avait auparavant disposé. On convint des articles, on ratifia le traité, et l’on se retira de part et d’autre, chacun dans son pays. Cette paix de Philippe et des Achéens avec les Étoliens, la bataille perdue par les Romains dans la Toscane, et la guerre d’Antiochus pour la Cœlo-Syrie, tous ces événemens arrivèrent dans la troisième année de la cent quarantième olympiade. Ce fut aussi pour la première fois, et dans cette dernière assemblée, qu’on vit les affaires de la Grèce mêlées avec celles d’Italie et d’Afrique. Dans la suite, soit qu’on entreprît la guerre, soit qu’on fît la paix, ni Philippe, ni les autres puissances de la Grèce ne se réglèrent plus sur l’état de leur pays, tous tournèrent les yeux vers l’Italie. Les peuples de l’Asie et les insulaires firent bientôt après la même chose. Ceux qui depuis ce temps-là ont eu sujet de ne pas bien vivre avec Philippe ou avec Attalus, n’ont plus fait attention ni à Antiochus ni à Ptolémée ; ils ne se sont plus tournés vers le midi ou l’orient, ils n’ont eu les yeux attachés que sur l’occident. Tantôt c’était aux Carthaginois, tantôt aux Romains qu’on envoyait des ambassadeurs. Il en venait aussi à Philippe de la part des Romains, qui, connaissant la hardiesse de ce prince, craignaient qu’il ne fît augmenter l’embarras où ils se trouvaient.

Nous voilà donc arrivés au temps où les affaires des Grecs sont jointes avec celles d’Italie et d’Afrique. Nous avons vu quand, comment et pourquoi cela s’est fait. C’est ce que je m’étais engagé dès le commencement à faire voir. Ainsi, quand nous aurons conduit l’histoire grecque jusqu’au temps où les Romains ont perdu la bataille de Cannes, et où nous avons laissé les affaires d’Italie, nous finirons ce cinquième livre.

La guerre finie, les Achéens choisirent Timoxène pour préteur, reprirent leur lois, leurs usages, leurs fonctions ordinaires. Il en fut de même des autres villes du Péloponnèse. Chacun rentra dans ses biens, on cultiva la terre, on rétablit les sacrifices et les fêtes publiques, et, en un mot, tout ce qui regardait le culte des dieux : devoirs qui, par les guerres continuelles qu’on avait eu à soutenir, avaient été, pour la plupart, oubliés. Entre tous les peuples du monde, à peine en trouvait-on quelqu’un qui eût plus de penchant et d’inclination que ceux du Péloponnèse pour une vie douce et tranquille ; cependant l’on peut dire qu’ils en ont moins joui qu’aucun, du moins depuis long-temps. Ce vers d’Euripide les peint assez bien :

Toujours dans les travaux et toujours dans la guerre.

Nés pour commander et passionnés pour leur liberté, ils ont toujours les armes à la main pour se disputer le premier pas. Les Athéniens, au contraire, furent à peine délivrés de la crainte des Macédoniens, qu’ils voulurent jouir des fruits d’une solide liberté. Conduits et gouvernés par Euryclidas et par Micyon, ils ne prirent