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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/685

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POLYBE, LIV. VIII.

fiance aux citoyens de Tarente, il fit choix des meilleures troupes pour repousser tout ce qui s’opposerait à cet ouvrage. Les Romains se présentèrent en effet, dès que l’on eut commencé à jeter le retranchement. Annibal vint et ne fit d’abord qu’une légère escarmouche, seulement pour les engager au combat. Quand il y en eut un certain nombre en deçà du fossé, Annibal donne le signal à ses troupes ; on fond sur les ennemis, il se livre un grand combat ; autant du moins que cela pouvait être dans un terrain serré et enfermé de murailles. Enfin les Romains furent défaits, une partie passée au fil de l’épée, l’autre repoussée jusqu’au fossé où elle périt. Annibal ensuite n’ayant plus rien qui l’inquiétât, et tout lui réussissant selon ses désirs, continua son retranchement. Par là il tenait ses ennemis renfermés et les forçait de rester dans leurs murailles, de crainte non-seulement d’être pris eux-mêmes, mais encore d’être chassés de leur citadelle, et il donnait tant de courage et de confiance aux troupes de la ville, qu’avec elles seules, sans le secours des Carthaginois, il se croyait en état de tenir tête aux Romains. Un peu en deçà du retranchement du côté de la ville, il conduisit ensuite un fossé parallèle au retranchement et à la muraille de la citadelle, et le long du bord qui regardait la ville, il fit élever un rempart sur lequel il mit un nouveau retranchement, qui n’était guère moins sûr qu’une muraille. À quelque distance de ce rempart, en approchant toujours de la ville, il fit encore élever une muraille, en la conduisant depuis l’endroit appelé Soteira jusqu’à la rue Bathée. En sorte que sans le secours d’hommes les Tarentins par ces fortifications étaient à couvert de toute insulte et de toute surprise. Tous ces ouvrages achevés, laissant des troupes suffisantes tant à pied qu’à cheval pour garder la ville, il alla camper sur le bord de la rivière à cinq stades de Tarente. Cette rivière appelée par les uns Galèse, est appelée aussi par d’autres Eurotas, du nom du fleuve qui passe près de Lacédémone. Il y a plusieurs autres choses à Tarente et dans les environs auxquelles on donne le même nom qu’à Lacédémone, tant parce que ces peuples ne sont qu’une colonie des Lacédémoniens, que parce qu’ils conservent une étroite liaison avec cette république.

Quand la muraille fut entièrement achevée (ce qui arriva bientôt, à cause du zèle avec lequel les Tarentins y travaillaient, et du secours que leur donnaient les Carthaginois), Annibal forma le dessein de prendre aussi la citadelle. Il avait déjà fait tous ses préparatifs pour le siége, lorsqu’un secours venu de Métaponte par mer dans la citadelle, enflamma de telle sorte le courage des Romains, que, faisant pendant la nuit une sortie, ils démolirent tous les travaux et renversèrent toutes les machines. Après cet échec, Annibal perdit toute espérance de prendre d’assaut cette forteresse ; mais comme il ne restait plus rien à faire à la muraille, ayant assemblé les Tarentins, il leur dit que dans les circonstances présentes ce qu’ils avaient de plus important à faire, était de se rendre maîtres de la mer ; que l’entrée du port étant dominée par la citadelle, ils ne pouvaient ni employer de vaisseaux ni sortir du port ; au lieu que les Romains recevaient par mer toutes leur munitions, que tant que les ennemis auraient cette facilité, il n’était pas possible d’assurer la liberté de la ville. Il montra ensuite aux Tarentins comment les Romains, privés des secours qui leur ve-