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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/766

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POLYBE, LIV. XII.

c’est pour éviter de faire des digressions trop fréquentes. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


Le même.


Timée rapporte que Démocharès s’était prostitué de façon qu’il ne lui aurait pas été permis d’allumer de sa bouche le feu sacré, et que dans ses écrits l’on trouvait plus d’obscénités que dans ceux de Botrys, de Philénis et des autres auteurs les plus sales. Il est étonnant qu’un homme bien élevé se permette des termes qu’on aurait honte de se permettre dans des lieux de prostitution. Timée a senti toute l’horreur de ces calomnies, et, de peur de passer pour en être l’inventeur, il prend à témoin un poète comique dont il ne dit pas le nom. Pour moi, je suis persuadé que Démocharès n’est pas coupable de ces ordures. Ce qui l’en justifie, c’est qu’il est né d’une famille illustre et qu’il a reçu une très belle éducation ; il était neveu de Démosthène. Une autre raison, c’est que les Athéniens lui ont donné le commandement de leurs troupes, et l’ont élevé encore à d’autres dignités. Il n’est nullement vraisemblable qu’ils eussent fait tant d’honneur à un homme plongé dans de pareilles infamies. Timée ne prend pas garde qu’il déshonore moins Démocharès que les Athéniens, qui ont aimé cet historien maltraité par lui si cruellement, jusqu’au point de lui confier la défense de leur république et de leur propre vie. Aussi Démocharès n’est-il pas coupable de ce que Timée lui reproche.

Il est vrai qu’Archédique, poète comique, a répandu contre lui les sottises que Timée a eu soin de recueillir ; mais il n’est pas le seul. Les amis d’Antipater se sont aussi déchaînés contre lui. Mais pourquoi ? C’est parce qu’il avait dit librement plusieurs choses qui pouvaient chagriner ce prince, ses héritiers et ses amis. Ceux qui dans le gouvernement ne s’accordaient pas avec lui, ont aussi pris plaisir à le décrier. Démétrius de Phalère était de ce nombre. Mais comment Démocharès en avait-il parlé dans son livre ? Il dit que cet homme, à la tête des affaires, se glorifiait de son gouvernement aux mêmes titres qu’aurait pu avoir un banquier ou un artisan ; qu’il se vantait d’avoir gouverné de manière que toutes les commodités de la vie se trouvaient en abondance et à vil prix ; qu’une tortue artificielle marchait devant lui les jours de cérémonie en jetant de la salive, que des jeunes gens chantaient sur le théâtre : qu’Athènes cédant aux Grecs tout autre avantage, se réservait à elle seule la gloire d’être soumise à Cassander, et que cet écrivain avait l’impudence d’entendre ces prétendues louanges sans rougir. Malgré cette satire, ni Démétrius, ni aucun autre n’a dit de Démocharès ce qu’en a osé dire Timée. Le témoignage de la patrie est plus croyable que celui de ce fougueux historien. En faut-il davantage pour assurer que Démocharès est innocent des turpitudes dont on l’accuse ? Mais quand il serait vrai que cet écrivain a eu le malheur de tomber dans ces sortes de fautes, quelle occasion, quelle affaire mettait Timée dans la nécessité de les relever dans son histoire ?

Quand des personnes sensées veulent tirer vengeance de leurs ennemis, la première chose qu’ils examinent n’est pas ce que leurs ennemis méritent qu’on leur fasse, mais ce qu’il leur convient à eux-mêmes de faire. On doit tenir la même conduite lorsqu’on a du mal à dire de quelqu’un : il faut d’abord prendre garde, non à ce que nos enne-