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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/812

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POLYBE, LIV. XV.

se commettaient avec un air d’autorité qui le rendait insupportable. Toute l’Égypte gémissait sous la tyrannie de ce monstre. Il ne se présentait cependant nul expédient, nul secours pour l’en délivrer, et le joug s’appesantissait toujours de plus en plus. L’insolence, l’orgueil, la mollesse du ministre n’avaient plus de bornes. Il était en horreur parmi le peuple. On se rappela les malheurs où ses pareils avaient autrefois entraîné le royaume. Mais, comme il ne se trouvait pas un homme sous la conduite duquel on pût se venger d’Agathocles et d’Agathoclée sa femme, il fallut bien se tenir en repos. On n’avait plus d’espérance qu’en Tlépolème, et cette espérance tranquillisait. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


Fin tragique d’Agathocles et de toute sa famille.


Agathocles ayant fait appeler les principaux d’entre les Macédoniens, entra dans leur assemblée avec le roi et Agathoclée. D’abord il feignit de ne pouvoir parler ; il avait le visage baigné de larmes. À force de s’essuyer avec son manteau, il arrêta enfin ses pleurs ; puis, prenant l’enfant entre ses bras : « Recevez, dit-il, Macédoniens, cet enfant que Ptolémée, son père, en mourant, a laissé entre les mains de ma sœur, mais qu’il a confié à votre fidélité. La tendresse que ma sœur a pour lui ne peut lui être que d’un très-faible secours, il n’a d’espérance qu’en vous, tous ses intérêts sont entre vos mains. Il y a long-temps que ceux qui connaissent à fond Tlépolème s’aperçoivent qu’il cherche à s’élever plus qu’il ne convient à un homme de sa sorte. Mais maintenant il a marqué le jour et l’heure où il doit prendre le diadème. Ne m’en croyez pas, croyez ceux qui savent la vérité et qui viennent actuellement de l’endroit où tout est préparé pour cela. » En même temps, il fit approcher Critolaüs, qui dit qu’il avait vu l’autel dressé, et les victimes que la multitude disposait pour cette cérémonie. Les Macédoniens entendirent ces paroles non-seulement sans être touchés de compassion, mais encore sans faire attention à ce qui se disait. Ils l’écoutaient d’un air moqueur, se parlant à l’oreille, et se moquant de telle façon, qu’Agathocles ne savait pas lui-même comment il était sorti de cette assemblée. Il fut reçu de la même manière par les autres corps de l’état.

Pendant qu’il se donnait tous ces mouvemens, il arrivait des armées des hautes provinces quantité de gens qui animaient, les uns leurs parens, les autres leurs amis, à se tirer de l’état misérable où ils étaient, et à ne pas souffrir que de si indignes personnes les outrageassent impunément. Mais ce qui excita davantage la populace à se venger de ceux qui étaient à la tête des affaires, fut que Tlépolème avait en son pouvoir tout ce qui arrivait de provisions et de vivres à Alexandrie, et qu’elle voyait dans quelle extrémité elle allait tomber, si elle le laissait plus long-temps le maître.

Agathocles fit en même temps une action qui contribua beaucoup à irriter la colère du peuple et de Tlépolème. Il arracha Danaé, sa belle-mère, du temple de Cérès, la traîna, le visage découvert, tout au travers de la ville, et la jeta dans une prison ; il voulait par là faire connaître à tout le monde le différend qu’il avait avec Tlépolème, et il y réussit. La populace, animée par cette action, fit éclater toute la haine qu’elle avait dans le cœur contre les magistrats. Les uns affichaient pendant la nuit leurs sentimens dans tous les