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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/84

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pour forcer les Thermopyles, on reconnaît les mêmes hommes qui taillèrent en pièces des armées romaines, et les poursuivirent jusque au pied du capitole, mais ne purent aller au-delà.

Alexandre arrivant à l’embouchure du Danube, dans l’île de Peucé, au bord du Pont-Euxin, reçut des députés de plusieurs nations effrayées ou vaincues, et parmi eux se trouvaient des Gaulois d’Illyrie. Le jeune conquérant leur demanda ce qu’ils craignaient le plus dans le monde. — « Nous ne craignons rien, répondirent-ils, si ce n’est la chute du ciel. » Alexandre se mit à rire, et se tournant vers ses courtisans, traita ces barbares de fanfarons.

Les Romains avaient bien vite jugé que les Gaulois, ardens à entreprendre, se rebutaient facilement. « Au dessus de l’homme, dans leur première attaque, disent-ils, les Gaulois deviennent bientôt plus faibles que des femmes. » Ce défaut devint moins sensible quelquefois, corrigé par l’excellence de la discipline des troupes ou par leur confiance dans des généraux célèbres ; mais il fut toujours celui de la nation. Revenons aux Romains.

Régulus, prisonnier à Carthage, est élargi, sous la condition de ménager la paix avec l’échange des captifs, et de revenir, si le traité ne peut se conclure. Il se rend à Rome, et bien loin de solliciter en faveur de ses compagnons d’infortune, il en détourne le sénat, sous le prétexte que des soldats assez lâches pour se rendre quand ils ont des armes, ne méritent plus le nom de citoyen romain.

Cette conduite paraît héroïque, surtout après qu’elle a été renforcée par les contes absurdes qui accompagnent les derniers momens de Régulus. Disons qu’il termina sa vie d’une manière toute naturelle pendant sa captivité. Mais il semble que l’ignorance ou tout au moins la folle présomption de ce général, ayant seule causé sa défaite, il se montrait aussi noble et surtout bien plus généreux en rendant à la liberté des défenseurs de la patrie que la loi oblige de suivre leur chef.

Il se plaignit d’avoir été abandonné par ses légions, lorsque jamais elles ne combattirent avec plus de courage ; c’est à peine si l’on fit cinq cents prisonniers. Polybe, dont le jugement est trop sûr pour se laisser aller à tous ces faux brillans de gloire, a considéré l’événement du côté que nous l’envisageons nous-même. Ce grand historien peint Régulus comme un homme dur, impitoyable, enivré de ses premiers succès ; et il invite, par son exemple, à se méfier de la fortune, dans le sein de la prospérité.

Les auteurs qui ont cité si fréquemment les actions de ce romain, ne l’ont pas mieux jugé sur sa vie privée que dans ses fonctions militaires. Vers le temps de sa prospérité, il demandait au sénat, dit-on, que si on le laissait à la tête de l’armée, on voulût bien faire labourer le champ qui nourrissait sa famille, attendu que le seul esclave qu’il possédait venait de mourir.

L’état des premiers Romains était celui de laboureur ; la guerre ne leur présentait qu’un métier d’exception ; et s’il leur restait quelque intervalle de tranquillité, ils le donnaient tout entier à l’agriculture. Les plus illustres familles ont tiré leur surnom de la partie de la vie rustique qu’elles cultivèrent avec le plus de succès ; et la coutume de faire son séjour à la campagne, prit tellement le dessus, qu’on institua des officiers subalternes dont l’unique emploi était d’aller annoncer aux sénateurs les jours d’assemblée extraordinaire. La plupart des citoyens ne venaient à la