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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/849

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POLYBE, LIV. XVIII.

penser, sur celui des Macédoniens qui était en embuscade, n’ayant pu l’apercevoir à travers l’obscurité. D’abord on fut de part et d’autre un peu surpris de cette rencontre ; ensuite on se tâta les uns les autres. Des deux côtés on envoya apprendre aux généraux ce qui se passait. Les Romains, mal menés, dépêchèrent à leur camp pour demander du secours. Flaminius exhorta fort Archedame et Eupolème, l’un et l’autre Étoliens, à y courir. Il les fit accompagner de deux tribuns avec cinq cents chevaux et deux mille hommes de pied, qui, joints à ceux qui escarmouchaient, firent bientôt changer de face au combat. Les premiers se voyant secourus se battirent avec beaucoup plus de courage et de confiance. De la part des Macédoniens on ne manquait pas non plus de valeur ; mais accablés sous le poids de leurs armes, ils se sauvèrent par la fuite sur les hauteurs, et de là envoyèrent au roi pour en obtenir du secours.

Philippe qui, pour les raisons qu’on a vues plus haut, ne s’attendait à rien moins qu’à une bataille générale, avait détaché pour aller au fourrage la plus grande partie de son monde. Instruit du danger que couraient ses premières troupes, et l’obscurité commençant à se dissiper, il fit partir Héraclide, qui commandait la cavalerie thessalienne ; Léon, sous les ordres duquel était celle de Macédoine, et Athénagore qui avait sous lui tous les soldats mercenaires, à l’exception des Thraces. Ce renfort ajouté au premier détachement, les Macédoniens reprirent de nouvelles forces, retournèrent à la charge, et à leur tour chassèrent les Romains des hauteurs. La victoire même eut été complète, sans la résistance qu’ils rencontrèrent dans la cavalerie étolienne, qui combattit avec un courage et une hardiesse étonnante. C’est aussi ce qu’il y a de meilleur chez les Grecs que cette cavalerie, surtout dans les rencontres et les combats particuliers. Mais l’infanterie étolienne n’est pas estimée ; ses armes et l’ordre dans lequel on la range ne sont nullement propres à une bataille générale. Pour revenir à cette cavalerie, elle soutint de telle façon le choc et l’impétuosité des Macédoniens, qu’elle empêcha que les Romains ne fussent poussés jusque dans le vallon. À quelque distance de l’ennemi ils prirent un peu haleine et retournèrent ensuite au combat. Flaminius s’apercevant non-seulement que les soldats armés à la légère et la cavalerie pliaient, mais encore que cet échec épouvantait toute l’armée, sortit du camp à la tête de toutes ses troupes et les rangea en bataille près des hauteurs. Dans ce temps-là même, de l’embuscade des Macédoniens il venait à Philippe messager sur messager qui criaient : « Prince, les ennemis sont en fuite, ne laissez pas échapper cette occasion ; les Barbares ne peuvent nous résister, c’est pour vous aujourd’hui le jour et le moment de vaincre. » Quoique le terrain ne plût pas à Philippe, il ne pouvait cependant pas se refuser à ces cris redoublés. Les hauteurs dont il est question s’appellent Cynoscéphales ou têtes de chien. Elles sont rudes, rompues en différens endroits et considérablement élevées. Philippe voyait bien que cette disposition n’était nullement avantageuse, et c’est pour cela qu’il avait beaucoup de répugnance à donner là une bataille. Mais, animé par la confiance que témoignaient ceux qui étaient venus lui apporter les premières nouvelles du combat, il ordonna enfin à l’armée de sortir de ses retranchemens.

Flaminius fit la même chose de son côté. Il mit son armée en ordre de bataille, assigna aux escarmoucheurs leur