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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/863

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POLYBE, LIV. XVIII.

on peut dite hardiment qu’elles étaient encore beaucoup au-dessous du bienfait. Qu’il est beau de voir les Romains concevoir le dessein de venir, à leurs frais, et à travers mille périls dans la Grèce, pour la tirer de servitude ! Qu’il est grand d’y conduire des forces capables d’exécuter une si grande entreprise ! Mais ce qu’il y a de plus prodigieux, c’est que la fortune n’y ait pas apporté le moindre obstacle, et qu’elle ait tout favorisé jusqu’à cet heureux moment, où, à la seule voix d’un héraut tous les Grecs, tant ceux d’Asie que ceux d’Europe, se sont vus libres, sans garnisons, sans tribut et sous leurs propres lois.

La fête passée, les députés donnèrent audience aux ambassadeurs d’Antiochus, et ordonnèrent que ce prince n’entreprît rien sur les villes d’Asie qui étaient libres, qu’il se retirât de toutes celles qu’il avait envahies sur Ptolémée et sur Philippe. Ils lui défendirent de passer en Europe avec une armée, puisque les Grecs n’avaient plus de guerre à soutenir contre personne, et qu’ils jouissaient d’une entière liberté. Ils finirent en promettant qu’il irait quelqu’un de leur part vers Antiochus. Hégesianax et Lysias se retirèrent avec ces ordres. On fit appeler ensuite les ambassadeurs des nations et des villes, et on leur déclara les résolutions du conseil. On remit en liberté les Macédoniens appelés Orestes, parce que, pendant la guerre, ils s’étaient joints aux Romains. La même grâce fut accordée aux Perrhébiens, aux Dolopes et aux Magnètes. Outre la liberté, les Thessaliens obtinrent que les Achéens Phthiotes fussent unis à leur territoire ; on en excepta néanmoins Thèbes, Pharsale et Leucade, trois villes que les Étoliens réclamèrent en vertu du premier traité. Mais le conseil différa de les leur abandonner, et les renvoya pour cela au sénat. Il permit seulement que les Phocéens et Locriens fissent, comme avant la guerre, un même état avec les Étoliens. On rendit aux Achéens Corinthe, Triphylie et Hérée. Les députés voulaient donner Orée et Érétrie à Eumène ; mais Flaminius ne fut pas de cet avis. C’est pourquoi, peu de temps après, le sénat accorda aussi la liberté à ces villes, et celle de Caryste eut le même privilége. On donna à Pleurate Lychnide et Parthine, deux villes d’Illyrie, à la vérité, mais qui étaient sous la domination de Philippe. Enfin on laissa le roi Amynandre maître de tous les forts qu’il avait pris pendant la guerre sur le roi de Macédoine.

Les choses ainsi réglées, les députés partirent chacun pour les villes qu’il devait mettre en liberté. Publius Lentulus alla à Bargylie ; Lucius Stertinius à Héphestie, à Thasos et aux villes de Thrace ; Publius Villius et Lucius Terentius chez Antiochus, et Cnéus Cornélius chez Philippe, qu’il rencontra à Tempé. Là il lui fit part des ordres qu’il avait pour lui, et lui conseilla d’envoyer des ambassadeurs à Rome, de peur qu’on ne le soupçonnât de différer à dessein et d’attendre qu’Antiochus fût arrivé. Le roi ayant promis d’en envoyer au plus tôt, Cornélius vint à l’assemblée des Grecs, qui se tenait aux Thermopyles.

Il y fit un long discours pour exhorter les Étoliens à demeurer fermes dans le parti qu’ils avaient pris, et à ne se départir jamais du traité d’alliance qu’ils avaient fait avec les Romains. Il y écouta aussi leurs plaintes. Les uns se plaignaient, quoique avec modération et politesse, de ce qu’on n’avait donné à leur nation aucune part dans l’heureux succès de la guerre, et de ce que les Romains n’avaient pas à son