Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/878

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
870
POLYBE, LIV. XXI.

dre, lorsque la nouvelle lui vint que les Romains étaient passés en Asie. Alors, consterné et ne voyant plus rien à espérer, il députa Héraclide de Byzance aux deux Scipions pour demander la paix, à la condition qu’il se retirerait de Lampsaque, de Smyrne et d’Alexandrie, les trois villes qui avaient donné occasion à la guerre ; qu’il sortirait aussi de celles d’Éolie et d’Ionie qui dans l’affaire présente s’étaient jointes aux Romains ; qu’il les dédommagerait de la moitié des frais qu’ils avaient faits pour cette guerre. Telles étaient les instructions d’Héraclide pour le conseil ; il en avait d’autres pour Publius que nous rapporterons bientôt. Cet ambassadeur arrive à l’Hellespont et y trouve les ennemis campés à l’endroit même où ils avaient assis leur camp après avoir traversé le détroit. D’abord cela lui fit plaisir, car il se flattait que c’était une disposition favorable pour la paix, que les ennemis n’eussent encore rien tenté dans l’Asie. Mais, quand il apprit que Publius était resté au-delà de la mer, il fut déconcerté, parce qu’il comptait que ce Romain lui serait d’un grand secours dans cette négociation. La raison pour laquelle Publius était demeuré dans le premier camp, c’est qu’il était Salien, c’est-à-dire, comme nous l’avons expliqué dans notre traité du gouvernement, membre d’un des trois colléges qui à Rome ont le soin des principaux sacrifices qui s’offrent aux dieux, et qui, en quelque endroit qu’ils se trouvent, quand la fête arrive, sont obligés d’y rester pendant trente jours. Or, comme l’armée devait traverser dans ce temps-là même, Publius ne l’avait pas suivie et était resté en Europe. C’est aussi pour cette même raison que l’armée s’arrêtait près de l’Hellespont en attendant que Publius l’eût jointe. Il arriva peu de jours après, et Héraclide fut appelé au conseil, où, après avoir fait connaître les conditions auxquelles Antiochus se soumettait pour avoir la paix, il exhorta les Romains à ne pas oublier qu’ils étaient hommes, à se défier de la fortune, à ne pas ambitionner une puissance sans bornes, et à la contenir du moins dans l’étendue de l’Europe. Il ajouta que leur domination, quoique renfermée dans cette partie du monde, ne laisserait pas que de paraître incroyable, puisque jamais personne ne s’en était acquis une pareille. Que, si, peu satisfaits du nombre de villes que leur abandonnait Antiochus, ils voulaient encore lui retrancher quelque chose de ce qu’il possédait en Asie, ils déclarassent ce qu’ils souhaitaient, que le roi était prêt à faire pour la paix tout ce qu’on lui prescrirait de possible.

Quand il eut fini, l’avis du conseil fut que le général romain répondrait à l’ambassadeur, qu’on demandait d’Antiochus qu’il indemnisât non-seulement de la moitié, mais de tous les frais de la guerre, puisque c’était lui-même, et non les Romains, qui avait pris le premier les armes, et qu’en laissant en liberté les villes d’Éolie et d’Ionie, il se retirât encore de tout le pays qui était en deçà du mont Taurus. Héraclide n’eut aucun égard pour des propositions qui excédaient si fort les ordres dont il était chargé, et ne se présenta plus au conseil ; mais il faisait assidûment la cour à Publius. Un jour, entre autres, qu’il pouvait lui parler confidentiellement, il lui dit que si par son moyen la paix pouvait s’obtenir, premièrement son fils, qui, dès le commencement de la guerre, avait été fait prisonnier, lui serait rendu sans rançon ; en second lieu, il n’avait qu’à dire quelle somme d’argent il sou-