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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/880

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POLYBE, LIV. XXI.

le pays qui est en deçà du mont Taurus ; qu’il donnerait aux Romains quinze mille talens euboïques pour les frais qu’ils avaient faits dans cette guerre : cinq cents actuellement, deux mille cinq cents lorsque le peuple romain aurait ratifié le traité, et le reste en douze mille talens chaque année ; qu’il payerait à Eumène les quatre cents talens qu’il lui devait et ce qui restait de vivres, ainsi que portait le traité fait avec son père ; qu’il livrerait aux Romains Annibal de Carthage, Théas Étolien, Mnasiloque d’Acarnanie, Philon et Eubulide de Chalcis, et que, pour assurances, il donnerait à présent vingt ôtages dont on lui marquerait le nom par écrit. Telle fut la réponse que fit Publius Scipion au nom du conseil, et les conditions furent acceptées par Zeuxis et par Antipater. On résolut ensuite unanimement de députer à Rome pour engager le peuple et le sénat à confirmer le traité, et l’on se sépara. Les troupes furent distribuées en quartiers d’hiver, et quelques jours après les ôtages étant arrivés à Éphèse, Eumène, les deux Scipions, les Rhodiens, les Smyrniens, presque tous les peuples d’en deçà du mont Taurus se disposèrent à envoyer incessamment leurs ambassadeurs à Rome. (Ambassades.) Dom Thuillier.


IV.


Les Lacédémoniens délibèrent pour savoir lequel de leurs concitoyens ils enverront dans cette circonstance à Philopœmen ; et bien que le plus souvent on paye pour obtenir ces sortes de missions agréables, parce qu’elles offrent l’occasion de faire des amis et des alliés, cependant on ne pouvait trouver personne qui voulût se charger de porter la nouvelle de cette faveur des Lacédémoniens. Enfin, forcés par la pénurie d’hommes, ils portèrent leurs suffrages sur Timolaüs, l’hôte et l’ami de Philopœmen. Timolaüs vint donc deux fois à Mégalopolis, mais sans oser communiquer à Philopœmen le sujet de sa démarche ; jusqu’à ce que se faisant en quelque sorte violence à lui-même, il y retourna une troisième fois, et lui avoua en confidence le présent qu’il venait lui offrir. Philopœmen l’ayant accueilli beaucoup mieux qu’il ne l’espérait, Timolaüs en devint si joyeux, qu’il s’imagina avoir atteint le but de son voyage. Toutefois Philopœmen lui déclara qu’il se rendrait sous peu de jours à Lacédémone, et qu’il y viendrait remercier en personne les principaux citoyens de l’honneur qu’on lui faisait. Il partit en effet, parut dans le sénat, et dit que, bien qu’accoutumé depuis long-temps à la bienveillance des Lacédémoniens, il ne pouvait s’empêcher de la remarquer encore, en voyant la couronne qui lui était offerte et les honneurs insignes qu’on voulait lui rendre. Que, cependant, un sentiment de pudeur ne lui permettait pas de recevoir de leurs mains un tel présent ; que ce n’était point à ses amis qu’il fallait offrir de pareils honneurs et des couronnes, car, en les acceptant, ils ne pourraient jamais échapper à l’envie ; mais qu’il valait mieux les donner à des ennemis. Les amis restés libres de leur âme et de leur langage pouvaient alors obtenir du crédit auprès des Achéens, chaque fois qu’ils demanderaient qu’on portât des secours à Sparte ; tandis que les ennemis, après s’être laissé prendre à cet appât, ou se trouveraient forcés de marcher d’accord avec les Lacédémoniens, ou du moins seraient réduits au silence et à l’impuissance de leur nuire. (Angelo Mai, Jacobus Geel, etc.)