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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/891

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POLYBE, LIV. XXII.

nétra ensuite dans les terres de l’Étolie, où il fut surpris de ne rencontrer aucun Étolien qui lui vînt au-devant. Arrivé à Argos d’Amphilochie, ville distante d’Ambracie de cent soixante stades, il y campa, et apprit là de Damotèle que les Étoliens avaient confirmé le traité. Après quoi les ambassadeurs étoliens retournèrent chez eux, et Fulvius revint à Ambracie, où il ne fut pas plutôt arrivé qu’il en partit pour aller dans la Céphallénie.

En Étolie, on choisit pour ambassadeurs Phénéas et Nicandre, qui devaient aller à Rome pour y faire ratifier le traité de paix par le peuple, sans l’approbation duquel rien ne pouvait se conclure. Ces ambassadeurs, ayant pris avec eux ceux d’Athènes et de Rhodes, mirent à la voile. Le consul, de son côté, y envoya aussi, pour le même sujet, Caïus Valérius et quelques autres de ses amis. En arrivant à Rome, ces ambassadeurs y trouvèrent tout le peuple soulevé par Philippe contre les Étoliens. Ce prince, croyant qu’ils lui avaient fait une injustice en se rendant maîtres de l’Athamanie et de la Dolopie, avait envoyé prier les amis qu’il avait à Rome d’entrer dans son ressentiment, et de ne pas consentir à la paix. Ils surent tellement prévenir les esprits, que le sénat d’abord ne daigna qu’à peine prêter l’oreille à ce que disaient les ambassadeurs étoliens ; mais, à la prière des Rhodiens et des Athéniens, on revint en leur faveur, et on les écouta avec attention. Damis, un des ambassadeurs d’Athènes, mérita les applaudissemens de toute l’assemblée qui, dans son discours, admira entre autres choses une comparaison dont il se servit, et qui convenait tout-à-fait à la conjoncture présente. Il dit que c’était avec raison que le sénat était irrité contre les Étoliens ; qu’ils avaient été comblés de bienfaits par les Romains, sans que jamais ils en eussent témoigné la moindre reconnaissance ; qu’au contraire, en allumant la guerre contre Antiochus, ils avaient jeté l’empire romain dans un péril imminent ; mais que le sénat avait tort d’imputer ces fautes à la nation ; que dans les états, la multitude était en quelque chose semblable à la mer ; que celle-ci, de sa nature, était toujours paisible et tranquille, toujours telle, qu’on peut en approcher, et voyager dessus sans crainte et sans danger ; mais que quand des vents impétueux fondent sur ses eaux, et la tirent en les agitant hors de son état naturel, rien alors n’est plus terrible ni plus formidable : que la même chose était arrivée dans l’Étolie ; que tant que les Étoliens n’avaient suivi que leurs propres lumières, les Romains n’avaient trouvé nulle part dans la Grèce plus d’attachement, plus de fermeté, plus de secours ; mais que quand Thoas et Dicéarque furent venus d’Asie, que Ménéstas et Damocrite furent venus d’Europe, qu’ils eurent soulevé la multitude et qu’ils eurent changé sa disposition naturelle jusqu’à l’engager à tout dire et à tout faire, alors aveuglée par leurs mauvais conseils et voulant nuire aux Romains, elle s’était elle-même précipitée dans un abîme de malheurs ; que c’était contre ces boute-feu que la colère du sénat devait éclater, et non contre la nation étolienne, qui était plutôt digne de sa compassion ; qu’en la délivrant par la paix du péril où elle était, on pouvit compter que, revenant à elle-même, elle serait si sensible à ce nouveau bienfait, que les Romains la verraient comme autrefois la plus fidèle et la plus affectionnée de toutes les nations de la Grèce. Ce discours réconcilia les Étoliens avec le sénat, qui approuva le traité de paix et le fit ratifier par le peuple. En voici tous les articles :

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