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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/92

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vers lui les peuples du voisinage ; mais elle retarda de six jours son arrivée sur les bords du Tésin.

Tel fut le passage mémorable d’Annibal à travers les Alpes. Polybe, qui nous en a donné une description si exacte et si intéressante, avait examiné les lieux avant de les décrire. « Je parle de toutes ces choses avec assurance, dit-il, car elles m’ont été racontées par ceux qui vivaient dans le temps ; j’ai visité les lieux moi-même, pour les voir et les connaître. »

Les détails qu’on lit dans Dessaussure, dont l’Europe intelligente ne se lasse pas d’admirer le génie pour les recherches, correspondent si merveilleusement aux descriptions de Polybe, qu’après un intervalle de deux mille années, on croirait, dit un moderne, que ces deux illustres voyageurs traversent ensemble la même montagne.

Les Gaulois Cisalpins reprirent les armes quand on les informa de l’approche de l’armée carthaginoise. Ils avaient chassé les colons romains de Cremone et de Plaisance ; les triumvirs envoyés pour faire le partage de leurs terres, étaient poursuivis et pris à Mutine, autre colonie romaine établie au milieu du pays des Boïes ; enfin ils tenaient le préteur Manlius bloqué dans le bourg de Tarrès, après avoir battu ses troupes. Voilà dans quelles dispositions Annibal trouva les Gaulois Cisalpins.

Telle était l’activité des Romains et leur talent de se montrer partout, que Publius Scipion ne pouvant retenir Annibal dans les Gaules, et courant le chercher au pied des Alpes, avait envoyé en Espagne son frère Cnæus Scipio avec une armée, afin que le Carthaginois ne pût tirer aucun secours de cette province.

Le sénat rappelait de Lilybée Tibérius Sempronius Longus, prêt à passer en Afrique ; Sempronius revenait à grandes journées ; mais il restait en Sicile un préteur avec cinquante galères, et dans le Brutium (La Calabre), un lieutenant avec vingt-cinq vaisseaux, pour en chasser des corsaires de Carthage qui avaient fait une descente à cette extrémité de l’Italie. Depuis ce moment les côtes furent en sûreté.

Dans le temps même où Annibal arrivait sur les bords du Tésin, le consul Publius, qui avait débarqué à Pise, traversait le Pô vers Plaisance, et s’avançait jusqu’aux environs de Pavie. On jeta, par ses ordres, un pont sur le Tésin ; mais apprenant que l’armée carthaginoise avait déjà passé cette rivière, sur la route de Novarre à Milan, il resta sur la rive gauche.

Le surlendemain les deux généraux s’avancèrent le long du fleuve, et campèrent peu éloignés l’un de l’autre, à quelques milles au-dessus de Pavie.

Polybe, toujours exact dans la description des localités, nous indique, d’une manière précise, la rive du Tésin sur laquelle se donna la bataille ; ce fut sur le bord de cette rivière qui regarde les Alpes ou le Nord. Les Romains avaient la rivière à leur gauche, et les Carthaginois à leur droite.

Le cours du Tésin se dirigeant du Nord-Ouest au Sud-Est ; et, aux environs de Pavie, ce fleuve coulant même de l’Ouest à l’Est, il devient évident que le bord qui regarde les Alpes est la rive gauche. Si, comme l’ont pensé tous les écrivains militaires, les Romains avaient traversé le Tésin, au moment de la bataille, cette rivière eût paru sur leur droite.

Publius sortit du camp le jour suivant, avec toute sa cavalerie et son infanterie légère. Son armée se composait de deux légions romaines et de