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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/934

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POLYBE, LIV. XXVII.

gone arriva dans la Béotie, et passa devant plusieurs villes sans y entrer, parce qu’il n’avait nul prétexte pour les engager à faire alliance avec son maître. Il entra dans Corone, dans Thèbes, dans Haliarte, et en exhorta les citoyens à se ranger au parti des Macédoniens. Ils se rendirent à ses prières, et résolurent de dépêcher des ambassadeurs en Macédoine. Antigone retourne à Persée, et lui apprend l’heureux succès de ses négociations. Peu de temps après, arrivent des ambassadeurs de Béotie, et ils prient le roi d’envoyer du secours aux villes qui s’étaient mises de son côté, parce que les Thébains, irrités de ce que les villes ne se joignaient pas comme eux aux Romains, les menaçaient, et commençaient même à les inquiéter. Le roi leur répondit que pour le présent la trève faite avec les Romains ne lui permettait pas de donner du secours ; qu’il leur conseillait de se défendre contre les Thébains du mieux qu’il leur serait possible, et de vivre en paix avec les Romains. (Ambassades.) Dom Thuillier.


Faction à Rhodes contre les Romains.


Caïus Lucrétius écrivit de Céphallénie, où sa flotte était à l’ancre, une lettre aux Rhodiens, pour leur demander des vaisseaux, et fit porteur de sa lettre un certain Socrates, qui gagnait sa vie à frotter d’huile les lutteurs. Stratocles était alors prytane du dernier semestre. Il assembla le conseil, et, mit en délibération ce que l’on devait faire sur cette lettre. Agathagète, Rodophon, Astymèdes et plusieurs autres, furent d’avis d’envoyer des vaisseaux sans délai, et de se joindre aux Romains dès le commencement de la guerre ; mais Dinon et Polyarate, chagrins de ce qui s’était déjà fait en faveur des Romains, se servirent des soupçons qu’on avait contre Eumène pour empêcher qu’on eût égard à ce que Lucrétius demandait. Ce prince était suspect, et l’on était brouillé avec lui, depuis que, pendant la guerre contre Pharnace, il s’était posté sur l’Hellespont pour arrêter les vaisseaux qui passaient dans le Pont-Euxin, et que les Rhodiens s’y étaient opposés. Cette querelle s’était aigrie quelque temps auparavant à l’occasion de certains châteaux et de la Perée, pays situé à l’extrémité du continent opposé à l’île de Rhodes, et où les troupes d’Eumène faisaient continuellement des courses. Ces mécontentemens étaient cause que tout ce que l’on disait contre ce prince était écouté volontiers. Les factieux saisirent ce prétexte pour faire mépriser la lettre de Lucrétius. Ils dirent qu’elle ne venait pas de ce Romain, mais d’Eumène, qui voulait, de quelque manière que ce fût, les engager dans une guerre, et les jeter dans des dépenses et des fatigues inutiles. Le porteur même de la lettre leur aidait à soutenir ce qu’ils avançaient : que les Romains, loin de se servir de gens d’une condition si basse pour envoyer leurs ordres, choisissaient pour cela les personnes les plus distinguées. Ce n’est pas qu’ils ne sussent fort bien que la lettre avait été véritablement écrite par Lucrétius ; mais ils voulaient ralentir l’ardeur de la multitude, retarder le secours qu’on devait donner aux Romains, et faire naître par là quelques occasions de brouillerie avec eux : car ils n’avaient d’autres vues que d’aliéner des Romains l’esprit des peuples et de les gagner à Persée, dont ils étaient fauteurs : l’un, savoir, Polyarate, parce qu’ayant fait des dépenses pour contenter son faste et son ostenta-