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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/955

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POLYBE, LIV. XXIX.

une délibération où chacun soutint son sentiment avec beaucoup de chaleur. Callicrate, Diophane et Hyperbatone ne voulaient pas qu’on accordât le secours demandé. Archon, Lycortas et Polybe étaient d’un avis contraire, et l’appuyaient sur l’alliance qu’on avait faite avec les deux rois ; car le plus jeune des Ptolémées avait été déclaré roi depuis peu, et l’aîné, revenu de Memphis, régnait avec son frère. Tous deux, ayant besoin de troupes, avaient dépêché aux Achéens Eumène et Dionysidore pour en obtenir mille fantassins que Lycortas conduirait, et deux cents chevaux dont Polybe aurait le commandement. Outre cela, ils avaient écrit au Sicyonien Théodoridas de lever mille soldats mercenaires. Ces trois Achéens étaient connus particulièrement des deux rois. Nous avons dit plus haut ce qui leur avait procuré cet honneur.

Ces ambassadeurs étant donc arrivés à Corinthe, où se tenait l’assemblée des Achéens, après avoir rappelé l’étroite liaison qu’il y avait entre l’Égypte et la ligue, et mis sous les yeux les conjonctures fâcheuses où se trouvaient les deux rois, ils demandèrent qu’on allât à leur secours. La multitude était très-disposée à leur envoyer non-seulement une partie de ses forces, mais même tout ce qu’elle en avait s’il en était besoin ; mais Callicrate s’y opposa, et dit que si, en général, il était de l’intérêt des Achéens de ne pas se mêler des affaires étrangères, il l’était surtout dans les circonstances présentes, où il portait de ne pas diviser leurs forces, et d’être en état de servir les Romains, qu’on croyait devoir donner au premier jour une bataille générale à Persée, puisque Marcius avait ses quartiers dans la Macédoine.

Là-dessus on hésitait, de peur de manquer l’occasion de servir les Romains. Alors Lycortas et Polybe, prenant la parole, dirent, entre autres choses, que l’année précédente Polybe étant allé trouver Marcius pour lui offrir le secours que la ligue des Achéens lui avait décerné, ce consul, en le remerciant, lui avait dit qu’une fois entré dans la Macédoine il n’avait plus besoin des forces des alliés ; qu’on ne devait donc pas se servir de ce prétexte pour abandonner les rois d’Égypte ; que dans les conjonctures où ces princes se trouvaient, il fallait saisir l’occasion de leur être utile ; qu’on ne pouvait sans ingratitude oublier les bienfaits qu’on en avait reçus, et qu’en manquant à ce devoir on violerait les traités et les sermens sur lesquels l’alliance était fondée. Déjà la multitude penchait à accorder le secours, lorsque Callicrate congédia les magistrats, sous prétexte que les lois ne permettaient pas de délibérer sur une affaire de cette nature dans une telle assemblée.

Quelque temps après, le sénat s’étant assemblé à Sicyone, non-seulement tous les membres du conseil s’y rendirent, mais encore tous ceux qui étaient âgés de plus de trente ans. Entre ceux qui reparlèrent de la même affaire, Polybe y ayant répété que les Romains n’avaient nul besoin de secours, qu’il devait en être cru, puisqu’il le savait du consul même, qu’il avait vu l’année précédente dans la Macédoine, il ajouta que quand même il serait nécessaire de secourir les Romains, cela ne devait pas empêcher que la république ne prêtât la main aux Ptolémées, puisque ces princes ne demandaient que mille fantassins et deux cents chevaux ; qu’une si petite diversion ne diminuerait pas beaucoup ses forces, puisqu’elle était en état de mettre sur pied, sans s’incommoder, trente

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