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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/957

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POLYBE, LIV. XXIX.

avant de savoir à qui il avait affaire, à un ami ou à un ennemi. Le roi, après avoir lu ce décret, dit qu’il en ferait part à ses amis, et qu’ensemble ils délibéreraient sur les mesures qu’il y aurait à prendre. À ce mot, Popilius fit une chose qui paraît étrangement dure et impérieuse : avec une baguette qu’il portait, il fit un cercle autour d’Antiochus, et lui défendit d’en sortir qu’il n’eût donné sa réponse. Le roi fut étonné de cet orgueil ; il demeura quelque temps comme interdit, et répondit enfin qu’il exécuterait les ordres des Romains. Ce fut alors que Popilius lui prit la main et le salua. Ce décret lui ordonnait de finir incessamment la guerre qu’il faisait à Ptolémée. Pour y obéir, au bout d’un certain nombre de jours qu’on lui avait marqué, il conduisit ses troupes à Agrie. Ce ne fut pas sans se plaindre et sans gémir intérieurement de se voir réduit à cette extrémité ; mais il fallait céder au temps. Pour Popilius, après avoir mis ordre aux affaires d’Alexandrie, exhorté les rois à vivre en bonne intelligence, et leur avoir donné ordre d’envoyer Polycrate à Rome, il se mit en mer pour aller en Chypre et en faire retirer les troupes qui y étaient. Il y trouva les généraux de Ptolémée, qui avaient été défaits, et les affaires de l’île fort dérangées. Il campa dans le voisinage, et resta là jusqu’à ce que les troupes fussent parties pour la Syrie. C’est de cette manière que les Romains sauvèrent le royaume de Ptolémée, royaume si ébranlé et qui touchait presque au moment de sa ruine. On voit par ce trait le caprice de la fortune : elle disposa tellement en souveraine des affaires de Persée et des Macédoniens, que pour rétablir celles d’Alexandrie et de toute l’Égypte, elle se servit de la décadence de ce malheureux prince ; car je doute qu’Antiochus se fût soumis aux ordres des Romains, si Persée n’eût été défait et que sa défaite n’eût pas été connue.


IV.


J’ai long-temps hésité sur ce que je devais faire dans cette circonstance. En effet, écrire hardiment et avec exactitude quelques faits accomplis mystérieusement par les rois entre eux, il y a, je crois, faute et danger ; mais taire complètement ce qui m’a paru devoir se faire dans cette guerre, et qui a donné lieu aux malheurs qui suivirent, c’est une preuve pour moi de paresse et de timidité. Cependant je me résous à n’écrire que sommairement ce qui est conjecture, et les apparences, les probabilités qui m’y ont conduit ; j’interrogerai pour cela les temps, et, plus que toute autre chose, les faits en eux-mêmes et en détail. (Angelo Mai, etc., ubi suprà.)


Il est dit que le Crétois Cydas de l’armée d’Eumène et favori de ce capitaine, rencontra une première fois Chimarus loin des officiers de Persée, près de la ville d’Amphipolis ; et qu’une autre fois, à Démétriade, il communiqua d’abord avec Ménécrate, puis avec Antimaque, et que deux fois Hérophon fut envoyé comme ambassadeur par Persée à Eumène. À Rome, on avait conçu des soupçons sur le roi Eumène, et au contraire on avait favorisé Attalus ; car on lui permit de venir de Brindes à Rome, et d’y chercher de l’argent. On l’avait renvoyé avec de bonnes paroles, quoiqu’il n’eût vraiment pas aidé la république dans la guerre contre Persée, ni auparavant ; tandis qu’Eumène, qui lui avait été d’un grand secours, et contre Antiochus et contre Persée, non-seule-