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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/978

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POLYBE, LIV. XXXI.

pas juste que Démétrius y tînt la place des enfans de ce prince. Jusqu’au temps où nous sommes, il avait souffert sans impatience cette espèce d’esclavage. Enfant comme il était, il fallait bien qu’il restât dans cet état. Mais à la mort d’Antiochus, se voyant à la fleur de l’âge, il pria le sénat de le renvoyer dans le royaume de Syrie qui lui appartenait beaucoup plus qu’aux enfans d’Antiochus. Il appuya son droit de plusieurs raisons, et répéta souvent pour prévenir l’assemblée en sa faveur : « Pères conscrits, Rome est ma patrie ; j’ai eu le bonheur de croître sous vos yeux. Tous les enfans des sénateurs sont devenus mes frères, et tous les sénateurs sont pour moi autant de pères. Je suis venu enfant à Rome, mais aujourd’hui je compte vingt-trois ans. » On fut touché du discours de ce jeune prince ; cependant, à la pluralité des suffrages, il fut résolu que l’on retiendrait Démétrius, et qu’on maintiendrait sur le trône de Syrie Antiochus Eupator. On craignit apparemment qu’un roi de cet âge ne devînt formidable à la république, et l’on crut qu’il était plus utile pour elle de laisser le sceptre entre les mains du prince enfant à qui Antiochus Épiphanes l’avait laissé. La suite fit bien voir que telles avaient été les vues du sénat ; car sur-le-champ il choisit Cn. Octavius, Sp. Lucrétius et Luc. Aurélius pour aller mettre ordre aux affaires de la Syrie et gouverner le royaume à son gré, comptant bien que sous un roi mineur il se trouverait d’autant moins d’obstacles à surmonter, que les principaux du royaume étaient charmés que Démétrius ne fût pas à leur tête, comme ils le craignaient. Les députés à leur départ reçurent ordre premièrement de mettre le feu à tous les vaisseaux pontés ; en second lieu, de couper les jarrets aux éléphans ; en un mot, d’affaiblir de toutes les manières les forces du royaume. On leur recommanda encore de visiter la Macédoine, pour y assoupir quelques troubles qu’y avait excités le gouvernement démocratique auquel les Macédoniens n’étaient pas accoutumés, afin de veiller sur la Galatie et sur le royaume d’Ariarathe. Quelques temps après, il leur vint une lettre du sénat, par laquelle il leur était ordonné de régler, s’il était possible, les différends des deux rois d’Égypte. (Ambassades.) Dom Thuillier


Marcus Junius est député vers Ariarathe.


On envoya différentes fois des ambassadeurs de Rome en Cappadoce. Le premier qui y alla fut Marcus Junius. Il avait ordre d’examiner les contestations qu’avaient les Gallo-Grecs avec le roi ; car les Trocmiens, un de ces peuples, de dépit de n’avoir pu rien envahir dans la Cappadoce, où l’on avait fortifié la ville qu’ils attaquaient, avaient député à Rome pour y indisposer les esprits contre Ariarathe. Ce prince reçut Junius avec tant de politesse et se justifia si bien que cet ambassadeur sortit du royaume plein d’estime et de considération pour lui. Octavius et Lucrétius arrivèrent peu après. Ils parlèrent encore au roi de ses différends avec les Gallo-Grecs. Ariarathe, après leur avoir expliqué en peu de mots sur quoi roulaient ces différends, leur dit qu’au reste il s’en rapportait très-volontiers à leurs lumières. On s’entretînt ensuite long-temps sur l’état présent de la Syrie. Ariarathe, instruit qu’Octavius allait dans ce royaume, lui fit voir combien tout y était chancelant et incertain ; il lui nomma les amis qu’il avait dans cette contrée ; il s’offrit de l’y accompa-