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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/98

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Arrivé vers le vallon où il aperçut les Carthaginois, comme il pouvait marcher sur un plus grand front, il donna l’ordre de doubler la colonne. Annibal l’ayant attiré là où il le voulait, ne lui laissa pas le temps d’exécuter cette manœuvre, il fit engager de suite le combat. Les Romains reconnurent seulement alors qu’ils étaient enveloppés.

L’attaque fut si vive qu’ils eurent à peine le temps de dégager les armes que le soldat portait liées en paquets pendant la marche, et de mettre l’épée à la main. Chacun se défendit où il se trouva, par petits groupes formés au hasard, et beaucoup périrent avant d’avoir aperçu le danger.

Flaminius, dont la témérité causait ce désastre, fit tout ce qu’il put pour y remédier. Surpris, mais non pas épouvanté, il exhortait ses légions à faire leur devoir. « Ce n’est pas, disait-il, avec des vœux et des prières qu’on peut sortir d’un danger, mais en montrant du courage, et en se frayant un chemin avec ses armes, au travers des ennemis. » Il périt, frappé par quelques Gaulois. C’était ce même Flaminius qui le premier avait passé l’Éridan et combattit à l’Adda contre les Insubres. Tite-Live prétend qu’ils se vengèrent à cette bataille, en lui reprochant les ravages qu’il exerça dans leur pays.

L’armée romaine, privée de tout moyen de retraite, se défendit avec fureur pendant trois heures. Il faut que l’on ait poussé bien loin l’acharnement de part et d’autre, s’il est vrai qu’aucun des combattans ne ressentit un tremblement de terre qui ruina plusieurs villes, engloutit des montagnes, et changea le cours de quelques rivières.

Les Romains battus en détail, écrasés sans pouvoir se porter secours, furent enfin mis en déroute. Environ dix mille légionnaires, parmi ceux qui se trouvaient dans le défilé, s’échappèrent par les montagnes, et s’enfuirent à Rome ; les autres périrent par le fer, ou se noyèrent dans le lac. Six mille, qui formaient la tête de l’armée, étant parvenus à percer l’ennemi, poussèrent en avant et continuèrent leur route jusqu’à Perusia où ils furent obligés, le lendemain, de mettre bas les armes. Les Carthaginois perdirent quinze cents des leurs. Les Romains laissèrent quinze mille hommes sur le champ de bataille ; autant restèrent prisonniers (ans 537 de Rome ; 217 avant notre ère.).

Quelques jours après, Maharbal défit un corps de quatre mille hommes de cavalerie, envoyés par Servilius, comme renfort à son collègue. Cette victoire livrait aux Carthaginois l’Ombrie, le Picenum, et tout le nord de l’Italie, avec l’Étrurie.

Au premier bruit de ce nouveau revers, l’alarme fut grande à Rome, et le sénat ayant eu recours au remède ordinaire, on avait nommé un dictateur. Il y a lieu de croire qu’en examinant la cause de ces défaites successives, le sénat l’attribua aux talens du général carthaginois plutôt qu’au désavantage des armes, du courage et de la discipline. Annibal était si convaincu de la supériorité des armes romaines, qu’après les batailles de la Trebbia et du Thrasymène, il les fit prendre à ses vétérans africains.

On ne pouvait suivre dans cette élection les formes ordinaires. La nomination des dictateurs appartenait aux consuls ; mais l’un des deux était mort, l’autre éloigné de Rome, et l’ennemi interceptait les communications. Quintus Fabius élu prodictateur, choisit Marcus Minucius pour son général de la cavalerie.

Durant cet intervalle, Annibal donnait d’excellens quartiers à ses troupes,