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Paris lui demandait de s’immoler encore à la France. M. Thiers avait la veille au soir signé, la larme à l’œil lui aussi, les préliminaires de paix, et, en échange de Belfort, donné à Bismarck libre entrée à Paris. Le 27, par une affiche sèche comme un procès-verbal, Picard annonça que le 1er mars trente mille Allemands occuperaient les Champs-Elysées.

Le 28, à deux heures, la commission chargée de rédiger les statuts d’un Comité Central se réunit à la mairie du IIIe, Elle avait convoqué les chefs de bataillons et les délégués de différents comités militaires qui s’étaient spontanément créés dans Paris, tel celui de Montmartre, à la rue des Rosiers. La séance présidée par Bergeret, de Montmartre, fut redoutable. La plupart ne parlaient que bataille, exhibaient des mandats impératifs, rappelaient la réunion du Wauxhall. À la presque unanimité, on résolut de prendre les armes contre les Prussiens. Le maire Bonvalet, très inquiet de ses hôtes, fit entourer la mairie et, moitié de gré, moitié de force, parvint à s’en débarrasser[1].

Toute la journée les faubourgs s’armèrent, saisirent les munitions. Quelques pièces de rempart remontèrent sur leurs affûts ; les mobiles, oubliant qu’ils étaient prisonniers de guerre, reprirent leurs armes aux secteurs. Le soir, ils envahirent la caserne de la Pépinière occupée par les marins, et les emmenèrent manifester à la Bastille.

La catastrophe était certaine sans le courage de quelques hommes qui osèrent remonter le courant. La Corderie tout entière — Comité Central des vingt arrondissements, Internationale, Fédération des chambres syndicales — observait avec une réserve jalouse cet embryon de Comité composé d’inconnus qu’on n’avait jamais vus dans aucun mouvement révolutionnaire. Au

  1. Un prêtre, Vidieu, auteur d’une Histoire de la Commune, prétendit avoir trouvé le fin mot de ce mouvement. « Il y avait évidemment là une consigne. À la première amorce brûlée, l’ennemi accourrait en force, le mont Valérien incendierait les plus beaux quartiers de Paris ; tous les autres forts brûleraient la ville et, pendant ce temps, on pêcherait librement en eau trouble. »