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— J’étais général de la situation », répondit-il. Il n’eut jamais d’autre troupe. Le 24, les ouvriers avaient repris leur travail, la garde nationale — sauf les gardiens de la préfecture — n’étant point payée. On trouvait difficilement assez de monde pour garnir les postes. La préfecture, à minuit, n’avait pas cent défenseurs.

Un coup de main était facile. Quelques riches bourgeois voulurent le tenter. Les hommes furent trouvés, les manœuvres convenues. On devait, à minuit, enlever la commission, occuper la préfecture pendant que Espivent marcherait sur la ville de manière à y arriver au point du jour. Un officier fut expédié à Aubagne. Le général refusa sous prétexte de prudence ; l’entourage révéla le vrai motif du refus : « Nous sommes sortis de Marseille comme des couyons, nous voulons y rentrer par un coup d’éclat. »

Le coup d’éclat semblait difficile avec l’armée d’Aubagne, six à sept mille hommes sans cadres et sans discipline. Un seul régiment, le 6e chasseurs, avait quelque tenue ; mais Espivent comptait sur les marins de la Couronne, les gardes nationaux de l’ordre en rapports continuels avec lui, et surtout l’incurie de la commission.

Elle essaya de se renforcer en s’adjoignant des délégués de la garde nationale. Ils votèrent la dissolution du conseil municipal, et la commission convoqua les électeurs pour le 3 avril. Cette mesure, prise le 24, eût peut-être tout pacifié. Le 2 avril, elle venait à la veille de la débâcle.

Le 3, aux nouvelles de Versailles, Espivent fit prévenir les chefs des bataillons réactionnaires de se tenir prêts. Le soir, à onze heures, des officiers garibaldiens vinrent dire à la préfecture que les troupes d’Aubagne s’ébranlaient. La commission recommença son refrain : « Qu’elles viennent ; nous sommes prêts à les recevoir. » À une heure et demie, elle se décida à battre le rappel. Vers quatre heures, quatre cents hommes environ arrivèrent à la préfecture. Une centaine de francs-tireurs s’établirent à la gare où la commission n’avait pas su mettre un canon.

À cinq heures du matin, le 4, quelques compagnies réactionnaires apparaissent sur la place du Palais de