Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/251

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éventer les abus de pouvoir, elle ordonna, le 23, une enquête sur l’état des détenus et les motifs de leur détention et reconnut à tous ses membres le droit de visiter les prisonniers.

Rigault, là-dessus, donna sa démission qu’on accepta : Delescluze avait dû le tancer à plusieurs reprises. Ses incartades défrayaient les journaux de Versailles. Ils accusaient sa police enfantine de terroriser Paris, représentaient comme des assassins les membres de la Commune qui refusaient de viser les condamnations de la cour martiale, disaient les détenus de droit commun mis en liberté[1] alors que l’on incarcérait le faussaire bonapartiste Taillefer, libéré le 4 Septembre. Cette bourgeoisie qui courba la tête sous les trente mille arrestations et les lettres de cachet de l’Empire, applaudit aux cinquante mille arrestations de Mai et aux milliers de perquisitions qui suivirent, hurla des années après les quarante ou cinquante perquisitions, les treize ou quatorze cents arrestations faites pendant la Commune. Elles ne dépassèrent pas ce chiffre, en deux mois de lutte ; encore les deux tiers des détenus, des réfractaires, ou des insulteurs de rue, ne furent emprisonnés que quelques jours, certains quelques heures. La province, uniquement alimentée par la presse versaillaise, croyait à ses inventions qu’amplifiait encore les circulaires de M. Thiers télégraphiant aux préfets : « Les insurgés vident les principales maisons pour en mettre les mobiliers en vente. »

Éclairer la province, provoquer son intervention, tel était le rôle de la délégation aux Relations extérieures qui, sous un vocable prétentieux, n’était seconde qu’à la Guerre. Dès le début de la Commune, la province lui avait demandé des délégués. Le 6 avril, Mégy, Amouroux, Caulet de Tauyac furent renvoyés à Marseille. Le 7, Gambon, un instant arrêté en Corse, fit une sombre relation. On écoutait à la Commune ce vieux républicain qui avait eu, sous l’Empire, le courage de refuser

  1. Il n’y eut de mis en liberté que des condamnés militaires, un individu condamné pour vol de bois de chauffage pendant le siège, quelques inculpés, en tout vingt personnes.