Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/43

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composée de fonctionnaires de l’Empire. Le fauve d’Auteuil rugit, étant sûr de ses juges, dit que Victor Noir l’avait souffleté. Le professeur Tardieu, médecin officiel, confirma, et le procureur général, plat valet, enleva l’acquittement. Tardieu, hué par les étudiants de Paris, fit suspendre leurs cours. La jeunesse des écoles se revancha dans un banquet offert à Gambetta. « Notre génération, dit-il, a pour mission d’achever, de compléter la Révolution française ; le centenaire de 1789 ne doit pas se lever sur la France sans qu’elle ait fait quelque chose pour la justice sociale. » Il flétrit le culte de Napoléon Ier qui avait conduit à la restauration de l’Empire, dit : « C’est un monstre au moral comme les monstres le sont au physique. »

Dans la discussion sur le plébiscite il s’égala à Mirabeau. Napoléon III, toujours hypnotisé par l’ombre du faux oncle, s’était résolu au grand remède que tenta Napoléon Ier, cent jours avant Waterloo. Le 19 juillet 69, il repoussait l’idée d’un pébliscite, le 4 avril 70, il le demandait avec cette formule : « Le peuple français approuve les réformes opérées dans la Constitution depuis 1860. » Gambetta démontra le piège, prouva que l’Empire ne pouvait supporter la moindre dose de liberté, parla pour la République. Le plébiscite fut servilement voté.

« Nous montrerons une activité dévorante », avait dit Émile Ollivier, qui continuait sa série de mots introuvables. Les premiers dévorés furent les ouvriers d’Anzin, ensuite ceux du Creusot, condamnés le 6 avril. L’Internationale les recommanda aux travailleurs, « Quand on acquitte les princes qui tuent et que l’on condamne les ouvriers qui ne demandent qu’à vivre de leur travail, il nous appartient d’infirmer cette nouvelle iniquité par l’adoption des veuves et orphelins » ; à cet appel, tous les journaux d’avant-garde ouvrirent des souscriptions.

Le 8 mai était la date fixée pour la comédie. Pendant un mois les pouvoirs publics, administration, magistrats, clergé, fonctionnaires de toutes sortes, ne vécurent que pour le plébiscite. Un comité bonapartiste se fonda, doté d’un million par le Crédit Foncier. Pour effrayer le bourgeois, un rédacteur du Figaro