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APPENDICE

tre baquets d’ordures se vidant le matin. Le plafond est bas, l’air est irrespirable. En poussant les chevaux à côté les uns des autres, il y aurait juste la place pour seize et là nous sommes soixante, quatre-vingts, cent et même jusqu’à cent dix-sept, m’a affirmé un camarade.

« 9o Prison de Chatou. Pour mémoire. Simple lock up.

« 10o Casemates du Mont-Valérien. Froid terrible. Nous ne sommes pas assez nombreux pour nous chauffer les uns contre les autres. La nuit, notre haleine qui monte aux rails de la voûte s’y condense et retombe en pluie glacée. Pour nourriture, de la lavure de vaisselle. Tous les soirs, un officier fort poli se présente et demande si nous n’avons pas de réclamations à faire : " Nous ne voulons mourir ni de froid ni de faim », répondent les prisonniers. Le monsieur prend un air compatissant salue cérémonieusement et le lendemain recommence la même comédie. Certes, nous étions bien mal, et cependant, quand nous vîmes un jour entrer seize prisonniers venus de Saint-Marcouf, nous comprimes combien notre sort avait été doux en comparaison du leur. Au nombre de deux cents, les fédérés jetés dans les casemates de l’îlot de Saint-Marcouf avaient été, pendant six mois et davantage, privés d’air, de lumière, de lecture, de conversation, de tabac et presque de nourriture. Rien que des miettes de biscuit moisi et du lard rance ! Le scorbut les avait décimés. Tous étaient malades. De temps en temps le général venait les insulter. Dans les prisons que j’ai parcourues j’ai pu recueillir des milliers de témoignages. Mon impression est que la plus mauvaise de toutes les prisons a été Saint-Marcouf ; la plus tolérable a été le Fourat, à l’embouchure de la Charente.

« 11o Maison de correction de Versailles. Heureusement, dirai-je, j’y arrive malade, cela me vaut d’être transféré à l’infirmerie. J’y suis à la ration « demi-vivres », du bouillon, un petit morceau de fromage, quelquefois un petit verre de vin. La nourriture de la prison est fort mauvaise ; c’est de la colle en guise de pain. Grande surveillance, mais pas trop de sévérité. M. le gardien chef, qui se croit le plus intelligent de toute la bande, M. l’inspecteur et M. le directeur, sans compter Mme la supérieure, se jalousent et se surveillent mutuellement ; de plus, ils redoutent ce que diront ces infâmes folliculaires de Paris. Ils semblent se dire aussi : « Qui sait, leur jour viendra peut-être, soyons prudents ! »