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Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/90

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on le trouva porteur d’instructions et d’ordres de l’état-major versaillais ; on l’entraîna au dehors. Fusillé comme espion, son corps fut jeté à la Seine.

Nous entrâmes. Les couloirs inférieurs étaient remplis de gardes nationaux, dormant dans leurs couvertures. À côté des blessés étendus sur leurs matelas rougis, des civières dressées le long des murs dégouttaient de filets de sang. On apporta un commandant qui n’avait plus face humaine ; une balle, entrée par la bouche, avait enlevé les lèvres, une partie des dents et fait un trou énorme dans la joue. Ne pouvant articuler un son, ce brave agitait dans sa main un drapeau rouge comme une dernière menace, et du geste il exhortait les hommes couchés à se lever pour le combat. L’escalier, soutenu par des colonnes de marbre, qui conduisait aux bureaux de la guerre, était noir de foule des deux côtés ; les sentinelles préservaient à peine le cabinet du délégué. Certains membres de la Commune se multipliaient. Mais quelques-uns de ceux qui avaient des fonctions militaires, ne portaient plus leur uniforme, plus nécessaire cependant que jamais dans une pareille confusion. Le membre du Comité de salut public, Ranvier, républicain droit, austère et la plus froide éner-