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Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/296

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étudiés par les autres. Il y a un procédé uniforme, adopté par tous, certaine manière convenue de rendre tous les sentiments et toutes les situations. Le public, qui est très au courant de ce procédé, a pris, lui aussi, l’habitude d’applaudir invariablement les mêmes effets. Ce sont pour l’ordinaire, de violents et subits contrastes, motivés ou non, du pianissimo au fortissimo des renflements de voix quasi-convulsifs, des cris foudroyants à la fin des morceaux lorsque le chanteur vient d’être pathétique et qu’il est question de combats, de vengeance ou de désespoir. Le grand cri est de rigueur pour quiconque aspire à la renommée de Cantante di Cartello. Une actrice ne saurait se laisser tomber sur les planches ou dans un fauteuil sans pousser le grand cri. Le grand cri remplace avantageusement la gamme chromatique, le saut à la dixième et la cadence indéfinie déclarés aujourd’hui rococo et de mauvais goût. Les traits, la difficulté, la bravoure ont passé de mode. Beaucoup de gens font honneur de ce changement à la musique de Bellini et le considèrent comme un progrès, comme une révolution heureuse pour l’art. Il m’est difficile, je l’avoue, de me rendre à cet avis. Le progrès de Rossini à Donizetti ne m’est pas bien démontré. Quant à la révolution qui fait succéder l’empâtement à l’agilité, la mesquinerie à la prodigalité, je doute qu’elle soit fort profitable, si ce n’est pourtant à la paresse de MM. les chanteurs.

Parmi les cantatrices qui tiennent le premier rang